Un Gatinois au cœur du séisme marocain – Le Droit
Des habitants récupèrent leurs biens dans les décombres du village d’Imoulas, dans la province de Taroudant, l’une des plus dévastées par le violent séisme au Maroc. (AFP)
Même si l’épicentre du séisme était à près de 300 km au sud, dans les montagnes de l’Atlas, il a senti les murs de son appartement trembler violemment. «C’est comme si un gros 18-roues frappait les murs, reprend-il. C’était vraiment une sismique assez puissante. J’habite le premier étage. Tout le monde est sorti. Pas moi, je suis resté, j’ai appelé ma femme…»
Sa femme était sortie en ville. Elle n’avait rien ressenti du tremblement de terre en vertu de ce curieux phénomène qui fait qu’on ne ressent pas les secousses lorsqu’on est au volant d’un véhicule. Elle venait d’arriver devant l’immeuble. «Il y a du monde partout dehors», a-t-elle dit à Oumzil.
Cette nuit-là, à Casablanca, plus grande ville du Maghreb et capitale économique du Maroc, des gens ont dormi dehors de peur que le toit de leur immeuble s’écoule sur leur tête. Coutumiers des tremblements de terre, les Marocains savent qu’après une première secousse survient souvent une deuxième, voire une troisième…
Et toi, Oumzil, as-tu dormi dehors?
Il a eu un petit rire au bout du fil.
«Non, moi j’ai pas dormi dehors. J’ai dormi dans mon appartement. J’ai dit: si ça doit arriver, ça va arriver, point à la ligne. C’est tout!»
J’ai reconnu là le Oumzil que j’ai côtoyé lors d’une expédition sur le Kilimandjaro en 2006. La même insouciance face au danger, le même humour imparable.
Un guide du Kili l’avait surnommé «Babou» – grand-père dans le jargon local. La réplique d’Oumzil n’avait pas tardé. En apprenant que le guide s’appelait Orio, il l’avait surnommé Cookie, inspiré par la célèbre marque de biscuits…
À l’époque, Oumzil tenait un restaurant assez couru à Gatineau (La Gazelle), de même qu’une agence de voyages. Il a gardé quelques clients qu’il sert désormais du Maroc. Mais ses trois filles, et ses 6 petits-enfants demeurent encore au Canada. Lui-même revient dans la région début octobre.
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Le Maroc est un habitué des tremblements de terre. Le pays tout entier est assis directement sur une ligne de faille (comme la Californie), avec un pied sur la plaque tectonique de l’Europe, un pied sur la plaque tectonique de l’Afrique.
Quand les deux plaques embarquent l’une sur l’autre, toute la région tremble. Et c’est pire quand le chevauchement se produit à faible profondeur, comme ce fut le cas le week-end dernier. Au dernier bilan, la tragédie aurait fait plus de 2700 morts…
Après la première secousse, le réflexe d’Oumzil a été de s’informer du lieu de l’épicentre. «J’ai vérifié si c’était dans l’Atlantique, m’a-t-il expliqué. Parce que si le choc des plaques tectoniques se produit en pleine mer, c’est un tsunami qu’il faut craindre dans les heures suivant le séisme…»
L’épicentre a plutôt frappé à Al-Haouz, dans la région du Haut Atlas, une chaîne montagneuse constellée de petits villages. Une région pauvre, où les habitations sont faites de terre cuite. Le tremblement de terre a balayé les maisons, provoqué des éboulements meurtriers…
«Le problème maintenant, c’est que les secours ont de la misère à se rendre, reprend Oumzil. Les routes sont obstruées par des blocs massifs de plusieurs tonnes, impossibles à déplacer avec de la machinerie. Il faut donc les dynamiter… et ça prend du temps!»
«Donc on est en train de parachuter des militaires dans les régions isolées, afin d’essayer de sauver le plus de monde possible. On a aussi parachuté des hôpitaux de campagne avec tout le matériel de soins. L’Espagne a envoyé une brigade de 60 militaires entraînés. La Grande-Bretagne, le Qatar et les Émirats arabes unis ont envoyé des équipes de sauvetage. Ils font leur possible…» de dire Oumzil.
C’est désormais une course contre la montre pour sauver les survivants coincés dans les décombres. «Et le problème, c’est qu’on ignore s’ils vont survivre dans des chaleurs de plus de 30 degrés», de dire Oumzil.
L’heure est à la solidarité.
Au Maroc, les gens se mobilisent pour remplir des camions de nourriture, de vêtements. S’il était au Canada en ce moment, Oumzil aurait mobilisé ses contacts pour former une cellule d’aide locale.
«J’aurais rempli un conteneur. N’oublions pas que ces gens-là aussi ont de la neige en hiver. Ils ont besoin de bottes, de pantalons, de manteaux en gore-tex… Toute aide est bienvenue!»
Voilà, le mot est lancé.