1er mai : Hausse des prix, salaires, retraite … Moukharik se confie – Hespress Français
Cette année, le 1er mai sera célébré au Maroc dans un climat marqué par un mécontentement sociétal général, en raison de plusieurs facteurs, notamment les hausses qui touchent aussi bien le coût de la vie, que les prix des carburants et des produits de première nécessité, mais également l’inflation. En somme, tout a augmenté, sauf les salaires. Et les mesures prises par le gouvernement n’ont pas pu juguler l’impact sur le pouvoir d’achat des Marocains.
En marge de la célébration de la fête du travail, Hespress Fr a reçu dans son siège à Rabat, le leader de l’Union marocain du travail (UMT), Miloudi Moukharik. Alors que les syndicats sont en pleine négociation (et frustration) avec le gouvernement, le SG de l’UMT s’est confié dans une interview à Hespress Fr, sur la hausse des prix, l’Impôt sur le revenu (IR), les points abordés lors du dialogue social avec l’Exécutif, les promesses de ce dernier, ou encore la controversée réforme de la retraite.
Comment allez-vous aborder le 1er mai, dans ce climat social de congestion marqué par la hausse des prix ?
Miloudi Moukharik : Le 1er mai de cette année 2023 intervient dans un climat exceptionnel marqué par la hausse vertigineuse du coût de la vie, l’effritement du pouvoir d’achat des salariés de toutes catégories et des masses populaires.
La journée du 1er mai, qui est la fête du travail, devrait être célébrée dans la liesse. Cette année, malheureusement, ce sera plutôt une journée de protestation contre l’augmentation du coût de la vie. L’UMT se mobilisera dans 58 villes et localités où elle est implantée dans tous les secteurs d’activité, sur la base d’un slogan unifié « Arrêtons l’augmentation du coût de la vie et l’effritement du pouvoir d’achat des salariés et des masses populaires« .
Ce sera donc une journée de protestation, plutôt qu’une journée de fête, pour demander au gouvernement de mettre un terme à cette escalade des prix.
Comment se déroulent les négociations avec le gouvernement concernant la hausse des salaires et la baisse des impôts ?
Lors du dernier round de ce qui est appelé « dialogue social », nous nous sommes réunis avec le chef du gouvernement, les ministres concernés, notamment ceux en charge du Budget et du Travail. À l’ordre du jour proposé par l’UMT, nous avons demandé au gouvernement de mettre un terme à cette escalade des prix. Nous avons également proposé au chef du gouvernement un mécanisme pour agir sur la TVA, qui, je le rappelle, taxe tous les produits de première nécessité et les services à hauteur de 10 à 20%. Cette situation est anormale car l’impôt devrait servir à moduler les prix en faveur des classes démunies.
La deuxième revendication de l’UMT concerne la fiscalité, avec la baisse de l’IR. Pour nous, salariés, l’IR signifie la baisse de l’impôt sur les salaires. Je rappelle que les salariés paient encore une fois des impôts sur leurs salaires, allant de 10 à 38%. Ils les paient régulièrement sans évasion fiscale, car ils sont prélevés à la source. Ce n’est pas le cas pour d’autres catégories sociales, notamment les professions libérales, qui bénéficient d’un système déclaratif et paient peu ou pas d’impôts. À tel point que 74% des revenus de l’IR proviennent des impôts sur les salaires. Nous, salariés, sommes donc la seule catégorie citoyenne à payer autant d’impôts.
La troisième revendication concerne l’augmentation générale des salaires. Les salaires perçus aujourd’hui dans le secteur privé ou public sont devenus très insuffisants, raison pour laquelle nous avons interpellé le chef du gouvernement pour une augmentation générale des salaires pour rattraper la hausse du coût de la vie.
Nous n’avons jamais oublié les retraités non plus. Les pensions de retraite sont servies très très faiblement, notamment dans le secteur privé (par la CNSS).
Quel que soit le taux de votre cotisation, quel que soit le nombre de points que vous cumulez, vous ne dépasserez pas les 4.200 Dh dans les meilleurs des cas. Je ne parle pas de ce qu’on appelle les pensions laminées, qui sont de l’ordre de 1.000 Dh.
L’augmentation générale des pensions de retraite, dans le privé et le public, figure ainsi parmi nos revendications. Il y a aussi un régime faible qui ne sert pas de pension permettant aux retraités de vivre décemment, c’est le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR), qui sert ce qu’on appelle des pensions laminées, pouvant atteindre à peine les deux tiers du salaire perçu lorsque le fonctionnaire était en activité.
Autres doléances, c’est la revalorisation du SMIG, qui, je le rappelle, est de 2.980 Dh. Les études réalisées par l’UMT révèlent qu’un ouvrier smigard ne peut survivre que pendant six jours, lui et sa femme et un enfant, et avec le minimum des besoins de la vie. C’est la revalorisation du SMIG, pouvant aller, pourquoi pas, à 5.000 Dh.
Le dernier axe que l’UMT va continuer à revendiquer, c’est la protection des libertés syndicales. Malheureusement, ces derniers temps, nous avons observé une escalade dans la répression des syndicalistes et de l’action syndicale, dans le secteur privé notamment, car le seul fait de constituer un bureau syndical devient une faute punie par le licenciement, voire même un délit où les syndicalistes sont poursuivis par un sinistre article du Code pénal qu’est l’article 288. Ce texte est un héritage du protectorat français, et il est anticonstitutionnel, et contre la Constitution de 2011. Voici donc nos revendications principales.
Le chef du gouvernement ne peut qu’être d’accord avec ces revendications. Il nous avait proposé de former une commission tripartite, constituée du mouvement syndical, du patronat et du gouvernement, et qui se réunira pour étudier toutes ces revendications et les pistes de propositions. Nous attendons toujours.
La réforme des retraites continue d’opposer le gouvernement et les syndicats. Où en sont les négociations ?
Cette réforme de la retraite, si on peut la qualifier de réforme, n’a pas été évoquée avec le chef du gouvernement. Bien sûr, ce qui se passe en France a beaucoup impacté, et va impacter le Maroc. Et si le gouvernement nous avait proposé d’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans, de baisser les pensions de retraite, qui sont déjà maigres, et d’augmenter les cotisations, ces trois réformes paramétriques, nous les qualifions de triangle maudit. Seul le salarié fonctionnaire ou du secteur privé peut les supporter.
L’UMT dit non à ces propositions. Il est exclu d’élever l’âge de la retraite à 65 ans. Il y a tout d’abord une donnée essentielle : La pénibilité dans le travail. Comment peut-on imaginer qu’un travailleur effectuant des tâches pénibles puisse travailler jusqu’à 65 ans, et même dans la fonction publique ?
Comment peut-on envisager de réduire les pensions de retraite en raison d’un calcul erroné, alors que celles-ci sont déjà faibles ? Et comment peut-on songer à augmenter les cotisations, ce qui entraînerait encore une fois une ponction sur les salaires ? L’UMT ne qualifie pas ces mesures de réformes, ce sont des mesures paramétriques que les anciens gouvernements, notamment ceux d’El Othmani et de Benkirane, ont proposées. L’UMT a toujours dit non et restera toujours aux côtés de la classe ouvrière, que ce soit dans le secteur privé ou public.
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