Un nouveau chapitre dans les relations bilatérales s'ouvre entre le Maroc et Israël – Le Matin

Hicham Oukerzaz, 18 juillet 2023 à 17:25
Après la décision d’Israël de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara, voici les lectures des professeurs Mohamed Badine El Yattioui de l’Université américaine de Dubaï, Emmanuel Navon de l’Université de Tel-Aviv et Azzeddine Hanoune de l’Université Ibn Tofaïl.

Le Maroc et Israël amorcent une nouvelle ère de leurs relations diplomatiques. Tel-Aviv vient de se ranger dans la lignée de très nombreux États, notamment les États-Unis, qui reconnaissent la souveraineté du Maroc sur son Sahara. L'officialisation de cette décision s'est faite lundi 17 juillet 2023, dans une lettre du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à Sa Majesté le Roi.
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«Israël reconnaît la souveraineté marocaine sur son Sahara et pourrait ouvrir un consulat à Dakhla. Une décision qui fait suite à la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, en décembre 2020. À cette date, le président américain Donald Trump avait lui aussi reconnu la marocanité de ce territoire. Une décision confirmée par son successeur Joe Biden», indique le professeur marocain des relations internationales à l'Université américaine de Dubaï, Mohamed Badine El Yattioui. «S.M. le Roi Mohammed VI avait affirmé que “le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international”. La décision israélienne place donc ce pays comme un partenaire stratégique du Royaume et renforce considérablement la dynamique en cours sur le plan bilatéral.
Une décision attendue et logique depuis la signature de l’accord tripartite entre le Maroc, Israël et les États-Unis, en décembre 2020», souligne M. Badine El Yattioui. Et de poursuivre que «la coopération multidimensionnelle (sécuritaire, économique, culturelle et touristique), déjà bien engagée, va se renforcer entre les deux pays. Un attaché militaire israélien, d'origine marocaine, a été nommé à Rabat, une première. De plus, le bureau de liaison deviendra une ambassade, même chose pour celui du Maroc à Tel-Aviv. Nous assistons à une alliance stratégique majeure pour les prochaines années entre trois pays : Maroc, États-Unis et Israël».
De même, le directeur du programme «Master en diplomatie» à l’Université américaine de Dubaï, est d’avis que «si de nombreux pays européens, dont l’Allemagne, l’Espagne (anciennement puissance coloniale au Sahara), les Pays-Bas ou encore la Belgique, entre autres, ont fait un pas significatif en soutenant le plan d'autonomie marocain, certains tardent à prendre clairement position. L'intégrité territoriale du Royaume n'étant pas discutable et la dynamique étant positive, du fait de ces nombreux soutiens, ceux qui jouent la montre condamnent leurs relations avec le Maroc d'une certaine manière».
Et le professeur de relations internationales de rappeler que «le renforcement des relations entre le Maroc et Israël ne se fera pas au détriment du peuple palestinien et de la défense de ses droits. Le Royaume continuera de défendre une solution à deux États dans le cadre des frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. La cause palestinienne reste une cause nationale pour le Maroc, comme celle de son Sahara».
Pour sa part, le professeur de relations internationales à l’Université de Tel-Aviv, Emmanuel Navon, considère que «la reconnaissance par Israël de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental parachève le processus de normalisation entre le Royaume chérifien et l’État hébreu». Les deux nations à la longue histoire commune, dit M. Navon, «avaient ouvert des bureaux de liaison à Rabat et à Tel-Aviv en 1994, qui furent fermés en 2000 du fait de la seconde Intifada. Il a fallu attendre l’année 2020 pour l’établissement de relations diplomatiques. Cependant, il n’y a toujours pas d’ambassade du Maroc en Israël, mais uniquement un bureau de liaison. Par ailleurs, si plusieurs ministres israéliens se sont rendus au Maroc, il n’y a pas eu de visite officielle d’un Chef de gouvernement ou d’un Chef d’État». «La reconnaissance par Israël de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a été suivie par l’annonce que le bureau de liaison à Tel-Aviv va être élevé au statut d’ambassade. Elle permettra sans doute la visite du Président ou du Premier ministre israélien (comme cela a déjà été le cas avec l’Égypte, la Jordanie, et les Émirats arabes unis)», affirme le professeur qui occupe également le poste de directeur du bureau israélien de l’organisation ELNET et est l’auteur de «L’étoile et le sceptre : histoire diplomatique d’Israël» (édition Hermann, 2022).
Et de souligner que «la reconnaissance israélienne ne soulève pas seulement le dernier obstacle à une normalisation pleine et entière. Elle met également fin à une anomalie historique. Le Sahara occidental est une création coloniale espagnole, tandis que la Maroc est un pays à l’histoire ancienne. Lors de ma visite à Meknès – la ville de mes aïeux – en septembre 2022, je fus marqué par une image insolite : celle de deux horloges françaises dans le Mausolée de Moulay Ismaïl, qui furent offertes par Louis XIV au Sultan marocain. Le Maroc est une ancienne civilisation qui fut colonisée par l’Europe au 19e siècle. Combien de pays arabes ont-ils une monarchie aussi ancienne et glorieuse ? Prétendre que le Sahara occidental constitue un pays à part équivaut à justifier a posteriori le colonialisme espagnol».
M. Navon est d’avis également qu’«en ce qui concerne le Sahara occidental, la solution proposée par le Maroc à l’ONU en 2007 (autonomie saharaouie dans le cadre de la souveraineté marocaine) est équilibrée et a d’ailleurs été acceptée par l’Espagne. Il s’agit à présent de rallier de plus en plus de pays, en Europe notamment, à ce modèle. Israël est prêt à contribuer à cette solution en tandem avec l’Union européenne. En attendant, Israël continuera de contrecarrer, en partenariat avec le Maroc, les influences déstabilisatrices de l’Algérie et de l’Iran en Afrique».
La position exprimée par le Premier ministre israélien (qui d’ailleurs dans le système parlementaire israélien est considéré comme le véritable Chef de l’exécutif et la principale autorité en matière de politique étrangère israélienne) constitue une véritable victoire pour la cause nationale, estime de son côté le professeur de droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université Ibn Tofaïl, Azzeddine Hanoune, soulignant que cette déclaration solennelle est considérée comme l’expression la plus aboutie de la reconnaissance territoriale en droit international.
«Cette décision provient d’un acteur important sur la scène internationale, elle conforte le processus vertueux qui a commencé depuis quelques années. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara est une tendance mondiale qui transcende les clivages géopolitiques (Amérique, Afrique, Asie, MENA…) », note M. Hanoune. Bien entendu, poursuit-il, «on ne peut pas dissocier complètement cette décision de son contexte lié à la normalisation des relations entre les deux pays, même si les Accords d’Abraham ne prévoyaient expressément que la normalisation des relations bilatérales. C’est une suite logique de ce processus». Et d’ajouter que «dans le monde d’aujourd’hui, plein d’incertitudes et de points de rupture, une telle reconnaissance ne peut être que la bienvenue en raison de l’influence israélienne, ses capacités économiques, technologiques et militaires. Le Maroc en tant qu’État souverain a le plein droit d’orienter sa politique étrangère de la manière qui sert le mieux ses intérêts. D’autant plus que des États, censés être solidaires avec lui, nuisent à ses intérêts. Il ne faut pas oublier la déclaration de Sa Majesté le Roi qui avait considéré la question du Sahara comme le prisme par lequel le Maroc évalue ses relations extérieures».
«Quant aux probables réactions, je prédis que les adversaires du Royaume essaieront d’alimenter le parallèle fallacieux entre la question du Sahara et la cause palestinienne afin d’essayer de percer le front de l’opinion publique arabe. Or la position marocaine sur la cause palestinienne est claire et constante. Ce sont les positions de certaines parties palestiniennes qui malheureusement sont ambiguës concernant l’intégrité territoriale du Royaume», conclut le professeur de droit public.
 
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