Comment le Maroc lutte contre le risque d'invasion des punaises de … – Maroc Hebdo
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Depuis le 7 octobre 2023, date de publication d’une circulaire urgente du ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, visant “la prévention du risque d’invasion des punaises de lit”, ce sont pas moins de 25 navires français qui ont subi le contrôle aux ports du Maroc. Et pour l’instant, aucune contamination n’a été détectée.
Chemise blanche, pantalon bleu marine, les galons à l’épaule et le gilet de sauvetage orange au-dessus, deux officiers accostent de leur vedette puis escaladent l’un après l’autre l’échelle de corde d’un navire en rade, le geste assuré, malgré le mouvement de la mer au large de Tanger.
Ces officiers de santé ont été dépêchés du port Tanger-Med pour contrôler un navire en provenance d’un port français. Ils cherchent des Cimex lectularius et des Cimex hemipterus, communément appelés punaises des lits et punaise des lits tropicale.
Relevant du ministère de la Santé, ils sont chargés d’appliquer une circulaire urgente publiée par le ministre Khalid Ait Taleb le 7 octobre 2023 et visant “la prévention du risque d’invasion des punaises de lit”.
Officiers de santé
“Tout en rappelant que j’attache une importance capitale au déploiement de ce dispositif, je (le ministre, ndlr) vous demande de veiller personnellement à la mise en œuvre de ses dispositions”, lit-on dans cette circulaire adressée aux directeurs régionaux de la Santé et de la Protection sociale de huit régions portuaires.
Sur le terrain donc, principalement dans les ports, la tâche revient en premier aux officiers de santé. Ils sont quelque 110 agents qui officient au niveau de tous les points de passage au territoire national, y compris d’ailleurs les aéroports et postes-frontières terrestres. Et depuis le 7 octobre 2023, date de publication de ladite circulaire, et jusqu’à l’heure où Maroc Hebdo mettait sous presse, ce sont pas moins de 25 navires français qui avaient subi le contrôle, dont sept pour le seul port de Tanger-Med.
“Zéro contamination! Nous n’avons détecté aucun navire contaminé”, assure à Maroc Hebdo Abderrahim Rachdi, officier de santé qui opère au niveau de Tanger-Med.
Et si zéro contamination il y a, c’est le fruit de la vigilance maximale déployée par les autorités. Outre les documents sanitaires de routine (déclaration maritime de santé, listes des passagers, de l’équipage et des 10 derniers ports), les navires sont désormais obligés de présenter un certificat de désinsectisation émanant des ports de provenance, explique M. Rachdi, épidémiologiste de formation et qui a 20 ans d’expérience en tant qu’officier de santé dans les ports de Tanger. Ses collègues officiers -ils sont aussi médecins ou biologistes) assurent également le contrôle du registre médical de bord, l’inspection minutieuse de tous les quartiers du navire (chambre, espaces publics) pour détecter la présence de mues, œufs, larves ou insectes adultes ou détecter des piqûres. Des lampes UV sont même utilisées pour repérer les déjections ou traces de sang. Le navire reste ainsi en rade, jusqu’à la fin de l’opération des officiers qui s’y sont déplacés en coordination avec les autorités portuaires. Une fois le risque évalué, ils délivrent la conduite à tenir qui en découle: pas d’infestation, ils signent “la libre pratique”, le navire peut alors débarquer les passagers et décharger la marchandise.
Au cas contraire, chose qu’il ne s’est encore pas pour lors produite, s’ils remarquent un début d’infestation, une punaise au niveau d’un lit et un mètre autour (niveau 1 d’infestation) ou une infestation en développement dans toute la chambre, murs et structures autour du lit (niveau 2), ils mettent alors le navire sous quarantaine et exigent son traitement. Pour ce qui est de l’interdiction du navire de débarquer, elle n’est envisagée que si une infestation importante (niveau 3) ou critique (niveau 4) est constatée.
Bien qu’aucune contamination n’a été déclarée actuellement, dans sa circulaire, le ministre, en riposte à un éventuel risque d’invasion des punaises de lit, a formulé un protocole détaillé “des insecticides pouvant être utilisés en hygiène publique” et qui correspond aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Et ce sont, encore une fois, ces mêmes officiers de la santé, mobilisés 24h sur 24, sept jours sur sept, qui sont censés superviser le traitement des navires. C’est dire leur importance cruciale dans la mise en œuvre des plans d’urgence face à tout risque sanitaire.
D’ailleurs, avant la punaise de lit, ils étaient au front, aux côtés des autorités publiques, lors de la crise de Covid-19 et avant elle, les épisodes de H1N1, le Sras, le virus Ebola, ou encore face au virus Zika.
Observatoire national
De son côté, Ahmed Taheri, entomologiste -chercheur qui étudie les insectes, leur mode de reproduction et leur impact sur l’environnement-, salue la réaction des autorités marocaines face au risque d’invasion des punaises de lits.
Dans ce sens, cet enseignant-chercheur à la faculté des sciences d’El Jadida, Université Chouaïb Doukkali, tient à rassurer l’opinion publique, appelant à ne pas se laisser submerger par les messages de panique véhiculés par les réseaux sociaux.
“Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Le Maroc n’est pas envahi par la Cimex lectularius (punaise des lits commune) et Cimex hemipterus (punaise des lits tropicale), mais la vigilance reste de mise”, souligne-t-il, appelant par ailleurs les autorités à poursuivre leur veille, mais surtout à mettre en place des mécanismes qui permettent d’anticiper d’éventuels risques de propagation d’espèces invasives. Selon les études, dit-il, le nombre d’espèces invasives au Maroc est de quelques centaines d’espèces exotiques envahissantes, dont quelques dizaines ont des coûts économiques à l’échelle internationale (les conséquences à l’échelle nationale doivent être plus profondément étudiées) et dont la majorité a des impacts négatifs sur l’environnement et la santé des citoyens. “Nous n’avons eu de cesse d’appeler à la création d’un observatoire national dédié à la détection et la prévention des espèces invasives au Maroc, qui travaillerait de manière continue, non pas seulement à l’occasion d’apparition de dangers comme celui de la punaise de lit et qui relèverait des autorités compétentes”, a déploré M. Taheri.
Selon lui, une telle structure permettrait une prise de décision et d’initiatives plus rapide et efficace et de mettre en place des stratégies claires pour éviter au Maroc qu’il ne soit pas pris au dépourvu par ce genre de fléaux. “II ne faut pas attendre que la menace soit sur le point de nous toucher pour intervenir. Il y a d’autres fléaux du même genre qui nous guettent”, met-il en garde.
Selon M. Taheri qui a publié plusieurs articles dans des revues scientifiques internationales de renom, l’invasion biologique est un sujet sérieux qui nécessite une coopération collective entre toutes les instances concernées, ainsi que la société civile et la société savante pour soutenir l’action publique face à toute catastrophe quelle qu’elle soit.
Et de conclure: “Dans un temps révolu, les normes distinguant un pays développé d’un autre sous-développé comprenaient la présence de maladies ou de fléaux tels que les punaises de lit par exemple”. Une donne qui a changé et qui soulève, aujourd’hui, plus d’une question sur la politique internationale et la civilisation occidentale.
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