Le burnout chez les médecins dentistes du secteur privé à … – LEFILDENTAIRE magazine professionnel
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Introduction
Le chirurgien-dentiste a la chance d’exercer une profession indépendante, d’être autonome, engagé entièrement dans sa profession et assuré de conditions financières stables . Il apparait néanmoins que les conditions psychosociales de cet exercice ne seraient pas optimales sous de nombreux aspects )( Ousset M.2015)(1).
La profession est notée comme une des plus stressantes et le stress est le premier risque psychosocial professionnel. Le stress professionnel signifie ‘’effort intense et tension’’, il désigne à la fois la pression de l’environnement et la réaction de l’organisme(Avrillon V.2014) (2) . Du point de vue médical, il correspond à un ensemble de changements physiologique et neurologique. Le terme de stress sera utilisé de façon plus large pour désigner un ensemble de mécanismes à la fois biologiques et psychiques , puis le terme sera élargi vers une dimension psychosociale; progressivement on voit ensuite apparaitre les notions de risques psychosociaux, de facteurs psychosociaux au travail et de santé mentale, le harcèlement moral, la dépression, les troubles musculo-squelettiques, et enfin l’épuisement professionnel. Il faut noter que l’élargissement de la notion de stress au risque psychosocial a conduit à l’émergence de multiples approches et prises en charges qui manquent souvent de rigueur et de fondement scientifique.
Le burnout ou épuisement professionnel est une notion introduite pour décrire un état mental particulier d’épuisement causé par des exigences excessives en matière d’énergie, de force et de ressources (ONMD 2018)(3).
Les anglo-saxons ont été les premiers à évoquer ‘le burnout syndrome’ pour bien insister sur ces situations où l’individu est comme consumé par son travail, Il concerne particulièrement les soignants, parce qu’ils sont en prise directe avec la souffrance, la misère, le malheur, et la maladie .
Notre travail, à travers une enquête sur le risque psychosocial chez les médecins dentistes privés à Casablanca a pour objectif d’étudier l’état de santé psychologique des médecins dentistes et ses effets sur leur vie professionnelle et sociale.
Matériel et méthodes
L’enquête menée est transversale ; descriptive.
A partir de 1624 praticiens de Casablanca inscrits au Conseil National de l’Ordre des médecins dentistes du Maroc, nous avons effectué un échantillonnage aléatoire simple pour choisir les 320 médecins dentistes à inclure dans l’étude.
La collecte des données a été effectuée à l’aide d’un questionnaire anonyme constitué de 36 questions réparties en 6 volets :
Résultats
Les 320 questionnaires distribués ont tous été recueillis soit un taux de réponse de 100%.
Parmi les 320 médecins dentistes, 65,9 % étaient de sexe féminin . La moyenne d’âge était de 36,2 ans ( 5,36).
Le nombre d’années d’exercice variait de 1 à 42 ans avec une moyenne de 11,1 ans
61 % des praticiens étaient mariés.
52,8 % des praticiens ont estimé que leur état de santé n’était pas bon , ceci étant dû à la profession pour 54,1 %. (Tableau 1).
Les médecins dentistes interrogés ont rapporté être inquiets (49,7 %) , souffrir d’anxiété (47,2 %) et d’angoisse (48,4 %). (Tableau 1).
De nombreux facteurs pouvaient être à l’origine du stress ou rendre le travail du médecin dentiste pénible à savoir le retard pris sur l’emploi du temps, les soins d’urgences, les soins inadéquats, les patients anxieux…etc. (tableau 2).
55 % des médecins dentistes ont jugé leur travail comme routinier (tableau 3).
Discussion
Aucun consensus n’existe entre le fait d’être un homme ou une femme et le stress émotionnel(Le rouzic M.2020) (4). Mais les hommes seraient plus touchés par le surmenage (nombre d’heures de travail plus important (El Kettani A.2017)(5). Aussi le risque psychosocial n’augmente pas avec l’âge (Le rouzic M.2020)(4).
Travailler des heures sans interruption, travailler rapidement pour voir le plus de patients possibles , entrainent une fatigue psychologique et physique (Dusmesnil H.2009; Ebana HDFM. 2020) (6,7). Toutefois les facteurs de stress ainsi que l’impact sur leur santé diffèrent (Kchaou A.2020) (8). Le dentiste tend à une rentabilisation maximale de son temps pour accommoder le plus grand nombre de patients et ainsi faire face aux exigences financières de sa pratique (Bajwa N. 2019)(9).De plus, il se voit facilement alourdir sa journée de travail par l’accumulation d’imprévus comme la prise de rendez-vous d’urgence entre deux patients , l’éternisation de certains rendez-vous qui s’avèrent plus longs que prévus , des patients anxieux ou non coopératifs (Aloui A. 2022)(10).
Il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les femmes concernant l’apparition du burnout chez les médecins dentistes . Parmi les facteurs associés au burnout, on note le mode et les conditions d’exercice. Les problèmes relationnels constituent les principales sources de stress (avec l’assistante ou les confrères).
La relation entre le patient et son praticien a nettement évolué depuis quelques années. Auparavant, le patient avait une confiance aveugle en son dentiste tandis qu’aujourd’hui, avec les nombreuses sources d’informations existantes et notamment avec l’apparition d’internet , cette confiance est mise à rude épreuve (Hakanen J.J.2014; Serole C.2020)(11,12). Ceux qui souffrent de burnout estiment que les patients se montrent exigeants, formulent des demandes irréalistes, remettent en question leur autorité et leurs connaissances médicales, de plus les médecins dentistes craignent des plaintes de leurs patients auprès des tribunaux. Les problèmes familiaux, ainsi que les contraintes de gestion et les difficultés financières favorisent aussi le burnout (Kalboussi H.2020)(13).
Dans notre étude, les médecins dentistes semblent présenter plus de problèmes de santé que les autres professionnels de santé, comme le pensent 50 % de nos confrères lituaniens (Hakanen JJ. 2012; Halouani N.2018)(14,15). Ils sous-estiment les symptômes du burnout et ont facilement recours à l’automédication (47,2 % des médecins dentistes) .Les psychotropes sont souvent un moyen de fuite privilégié, un moyen en apparence facile pour combattre l’effet de l’épuisement (Nawel K.2015)(16) . En France, 15 % des médecins dentistes consomment des psychotropes, 50 % prennent des myorelaxants, 12,5 % sont sous sédatifs et 33 % ont recours aux anxiolytiques (Hakanen, J.J. 2012)(17).
Le praticien est constamment confronté à des émotions négatives en sachant que sa pratique dentaire en est la cause. Cette anxiété alimente son propre stress (Tremblay M. 2022)(18).
L’ensemble de ces facteurs de risque ne nécessitent pas d’être tous présents en même temps, l’association de quelques-uns suffit au déclenchement du syndrome d’épuisement professionnel.
Dans notre étude, 51,9 % des médecins dentistes estiment que leur cursus ne les a pas préparés à la réalité de leur profession. Ceci est corroboré par l’étude de Kuchnir T et coll 2008 (19) qui ont démontré que durant l’année qui suit l’installation, le dentiste se rend compte que ses attentes ne correspondent pas à la réalité , entrainant de la frustration, de l’apathie et de l’épuisement émotionnel. Il en ressort une impression générale à ne pas être préparé aux différents aspects du métier durant ses années d’études à la faculté, particulièrement dans ses rapports à la loi, l’assurance, l’organisation du cabinet, le financement et l’encadrement des assistantes, prothésistes etc…( Tremblay M. 2022)(18). Dans la présente étude, 45,3 % des médecins dentistes ont des difficultés à établir le diagnostic. Ils ont le sentiment de ne pas avoir droit à l’erreur, ce qui augmente d’autant plus la pression quotidienne. Le médecin dentiste peut être confronté à une difficulté diagnostique et avoir une incertitude quant à la conservation d’une dent ou de sa vitalité (Basson RA.2007)(20). La mise en place de la réforme des études odontologiques assure désormais la formation du médecin dentiste en 6 ans ( la 6ème année consiste en 6 mois en stage hospitalier et 6 mois de stage en cabinet privé). Le programme suivi par les médecins dentistes au cours des 6 années a pour objectif de combler les lacunes du praticien par rapport à la réalité de la pratique odontologique en cabinet privé.
Recommandations
Afin de permettre la prévention du burnout et sa prise en charge, il est nécessaire qu’il prenne place dans un cadre institutionnel propice appelé (Niveau 0) , avec les recommandations personnelles (Niveau 1), la suppression des causes de dysfonctionnement perçues (Niveau 2) et si nécessaire la prise en charge curative (Niveau 3). Ces 4 étapes de progression sont nécessaires dans la gestion et la prévention du burnout (Basson RA.2007)(20) :
-amélioration de l’image du dentiste dans les médias.
-reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle par l’assurance maladie.
-mise en place d’un dépistage par un médecin référent ou médecine de travail.
-sensibilisation des dentistes au burnout et de ses prémisses par des conférences.
-développer et maintenir des centres d’intérêts.
-soutien et support social de l’entourage.
-évaluer régulièrement ses objectifs professionnels.
-se tenir informé des dernières découvertes scientifiques.
-changer les mauvaises habitudes de vie.
-apprendre à gérer son stress.
-développer ses compétences en communication.
-amélioration des compétences en management .
-amélioration de la gestion du temps du personnel.
-réorganisation des méthodes de travail (MEOPA , hypnose).
-psychothérapie
-soutien par un pair ayant résolu son burnout.
Conclusion
L’épuisement professionnel touche de plus en plus de chirurgiens-dentistes au Maroc. Sujet grave, parfois tabou, le burnout n’est pourtant pas une fatalité.
L’étude de la littérature une spécificité propre tant sur le plan symptomatologique que sur le plan psychopathologique.
C’est un phénomène multifactoriel tant sur le plan individuel que professionnel, ses symptômes psychiques et somatiques sont polymorphes et aspécifiques (trouble anxieux, dépressifs, somatiques,…) .
Des caractéristiques sociodémographiques et des traits de personnalité à risques, des conditions de travail difficiles et des comportements addictifs sont tous des facteurs susceptibles de provoquer le burnout. Les facteurs de stress corrélés à l’épuisement professionnel nous interrogent sur la manière de diminuer l’impact du travail auprès des soignants.
Tous ces facteurs de risque et de stress ne sont pas ressentis de la même manière, ni au même moment par chaque praticien. L’association de quelques-uns suffit au déclenchement du syndrome d’épuisement professionnel.
Remerciements
Nous remercions tous les auteurs de leur collaboration et leur aide précieuse dans la réalisation de ce travail scientifique.
TABLEAUX
Tableau 1: état de santé et de stress des praticiens :
Oui
non
151
169
47,2
52,8
Oui
Non
173
147
54,1
45,9
Inquiétude
Anxiété
Angoisse
Surmenage
159
151
155
173
49,7
47,2
48,4
54,1
Tableau 2 : facteurs de stress au cabinet dentaire
Tableau 3 : travail au fauteuil des praticiens
12-25
28-40
41-55
22
165
133
6,9
51,6
41,6
Oui
Non
176
144
55
45
Bibliographie
Professeur de l’enseignement supérieur en parodontologie
Médecin résidente en parodontologie
Médecin dentiste secteur privé
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