La migration des médecins marocains atteint des seuils alarmants – Maroc Hebdo
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La migration des médecins marocains vers d’autres horizons se fait de plus en plus sentir. Une réalité qui fragilise davantage un système de santé déjà vulnérable.
Alors que le Maroc a besoin de 47.000 médecins et de 65.000 infirmiers et techniciens de santé, le nombre de ses praticiens actuellement en exercice diminue visiblement. En 2022, le ministère de la Santé comptabilisait seulement 28.892 médecins, répartis entre le public et le privé. Un chiffre qui se réduisait comme une peau de chagrin depuis des années. Pour cause, nombre d’entre eux ont choisi d’émigrer vers d’autres cieux en quête d’une vie meilleure. Ce phénomène menace notre système de santé déjà vulnérable. Pour certains, c’est un choix assumé et bien réfléchi. Les jeunes médecins s’expatrient pour se spécialiser à l’étranger. Pour d’autres, ils sont séduits par des chasseurs de tête à la recherche de leurs compétences pointues. Mais pourquoi ces praticiens choisissent-ils de quitter le Maroc ?
Un parcours infernal
D’aucuns dénoncent un parcours infernal, depuis les études jusqu’à la prise de fonction au sein des hôpitaux publics. C’est le cas de la majorité des médecins et étudiants en médecine. «Après une période de chômage d’une année, j’ai rejoint ‘SOS Médecin’, une association vouée à accompagner mes patients tout au long de leur processus de guérison. Cependant, la dure réalité économique m’a rapidement rattrapé. Avec une consultation à 80 DH, j’ai vite réalisé que cela ne suffisait pas à couvrir mes frais », confie N.M, qui a choisi d’étudier une spécialité au Sénégal dans un premier temps puis en France avant de décider de s’y établir. « Pour faire ma spécialité au Maroc, c’est l’enfer.
Il fallait réviser plus de 300 cours sans références actualisées. Une approche de l’apprentissage dépassée par rapport à des pays comme la France qui ont mis en place l’Unité d’Enseignement Capitalisable et Modulaire (UCN). J’ai vu des collègues passer l’internat pendant six ans au Maroc, finissant par échouer», révèle A.L, jeune lauréate de la faculté de médecine d’Oujda, qui fait actuellement sa spécialité à la faculté de médecine et des sciences de la santé d’Anvers, en Belgique.
Ceux qui prennent leur courage en main et décident de faire leur spécialité au Maroc sont confrontés à des horizons bouchés. « Après des années de travail acharné pour obtenir ma spécialité, j’aspirais à devenir professeur assistant. J’ai alors découvert que les postes étaient souvent attribués à des personnes pistonnées, sans considération pour le mérite ou la compétence », se désole un jeune médecin qui avait décidé d’apprendre la langue allemande pendant plus de deux ans afin d’exercer le métier de ses rêves en Allemagne. « C’était dévastateur, surtout en comparant cela avec le secteur militaire, où, même si on doit attendre 3 ou 4 ans son tour, on a au moins la certitude d’une progression de carrière.
Aujourd’hui, je travaille en Allemagne, où le système est plus transparent et équitable. C’est ce que j’aurais aimé trouver au Maroc. », regrette- t-il. Les témoignages de ces jeunes professionnels sont poignants. Même expatriés, ils préfèrent garder l’anonymat, comme s’ils craignaient des représailles. Mais ils ne taisent pas leurs déceptions et racontent, avec menus détails, les obstacles auxquels sont confrontés les médecins marocains : difficultés économiques, système éducatif dépassé, perspectives de carrière limitées, autant de facteurs qui les poussent à chercher des conditions plus favorables à l’étranger.
Les meilleurs partent
Ce constat amer est aussi dénoncé par des acteurs de la société civile. D’après une enquête de la Fondation des enseignants médecins libéraux (FEML), le Maroc perd chaque année entre 600 à 700 praticiens. Cette hémorragie de compétences creuse un fossé profond dans le système de santé du pays, déjà confronté à un manque de personnel médical, une capacité de formation insuffisante, et une répartition géographique inéquitable des professionnels de santé. Cerise sur le gâteau, une étude de la Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université Hassan II de Casablanca indique que plus de deux tiers des étudiants en dernière année de médecine envisagent de quitter le pays. Les aspirations à une carrière à l’étranger (97,6%), les meilleures conditions de travail (99%) et une meilleure qualité de vie (97,2%) sont parmi les motivations majeures qui sous-tendent ces intentions de quitter le Royaume.
Défaillances du système
«Au Maroc, la migration des compétences médicales constitue un frein pour la refonte du système de santé et l’aboutissement de la généralisation de l’assurance maladie obligatoire. Un fossé qui risque de se creuser encore au lieu d’être comblé, si des mesures drastiques et urgentes ne sont pas prises pour former plus de médecins et surtout pour les retenir», affirme Dr. Tayeb Hamdi Médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé.
Pour ce faire, le spécialiste souligne qu’il faudrait agir pour retenir, maîtriser les flux, assurer la mobilité et travailler pour que les compétences médicales marocaines déjà installées à l’étranger soient une opportunité, une plus-value en termes d’expérience, d’expertise, de partage et de transmission des savoirs et des normes sociales. Les défaillances du système sont tellement énormes qu’il est difficile de retenir des jeunes compétents aspirant à un avenir radieux. C’est dire que notre système de santé est malade de ses dysfonctionnements.
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