Industrialisation en Afrique : Réussites, défis et l'exemple inspirant … – Aujourd'hui Le Maroc
Entretien avec Lauras Anagonou, banquier d’affaires à Wall Street aux Etats-Unis
Lauras Anagonou est titulaire d’un Bachelor’s degree en politique publique à l’Université de l’Illinois à Chicago. Son master en finance publique et en économie internationale, il le décrochera à la Northwestern University en 2019. La question africaine n’est plus un secret pour lui compte tenu de son expertise dans l’une des plus prestigieuses banques d’investissements des Etats-Unis. Pour lui, l’ascension de l’Afrique est tributaire de son industrialisation. Et le Maroc a déjà pris le train en marche pour accélérer le processus. Décryptage.
ALM : En tant qu’invité, quelle lecture faites-vous du choix du lieu (ndlr : pays africain) pour la tenue des Assemblées annuelles 2023 de la Banque mondiale et du FMI ?
Lauras Anagonou : Le choix de Marrakech en tant que lieu pour cette réunion revêt une grande signification. Il témoigne de l’importance accordée à l’Afrique dans l’agenda économique mondial. Ce choix offre également une tribune propice à la mise en lumière des défis uniques auxquels les pays africains sont confrontés en matière de développement, tout en renforçant l’engagement de la Banque mondiale et du FMI en faveur de l’inclusion et du développement durable sur l’ensemble du continent africain.
Quelles sont vos attentes par rapport à cet événement ?
J’attends des mesures concrètes, allant au-delà de la simple rhétorique pour se traduire en actions tangibles, avec un accent particulier sur la création d’emplois pour la jeunesse, l’inclusion numérique, la mobilité durable et la fourniture électronique de services gouvernementaux. De plus, j’espère que des mesures urgentes seront prises pour renforcer le financement des infrastructures, encourager les partenariats public-privé (PPP) et stimuler les innovations technologiques favorables à la réduction de la pauvreté.
Quels sont les principaux facteurs qui contribuent à l’essor de l’industrialisation sur le continent africain ces dernières années ?
Bien que la part de l’Afrique dans la production manufacturière mondiale reste en deçà de 2 %, la plupart des pays africains progressent lentement mais sûrement vers l’industrialisation, sous l’impulsion de plusieurs facteurs dynamiques. Les ressources naturelles abondantes de l’Afrique fournissent une source fiable de matières premières pour une large gamme d’industries. Des améliorations dans le climat des affaires et une gestion macroéconomique prudente ont créé un environnement stable et attrayant pour les investissements nationaux et étrangers. De plus, l’augmentation des cours des matières premières, l’émergence d’une classe moyenne, en pleine croissance et des coûts de main-d’œuvre compétitifs constituent des facteurs clés. Le parcours industriel du continent est marqué par la création de plus de 230 zones économiques spéciales (ZES) et parcs industriels, créant ainsi des pôles spécialisés pour les activités industrielles.
Quels sont les défis majeurs auxquels les pays africains sont confrontés lorsqu’il s’agit de stimuler leur secteur industriel ?
La croissance industrielle de l’Afrique est confrontée à d’importants défis, notamment l’accès à une alimentation électrique fiable et des infrastructures insuffisantes telles que les routes, les aéroports, les ports et les chemins de fer. Par exemple, l’Afrique ne dispose que d’environ 31 km² de routes bitumées pour 100 km² de territoire, comparé à 134 km² dans d’autres pays à faible revenu selon une étude des Nations Unies. De plus, plus de 80% des routes bitumées ne sont pas dans un état excellent. Pire, 85% des routes rurales sont impraticables en saisons pluvieuses. L’Afrique compte plus de 100 ports, mais les opérations portuaires sont souvent lentes, entraînant des délais d’attente des cargaisons à une moyenne de deux semaines, contre moins d’une semaine dans d’autres régions telles que l’Asie, l’Europe et l’Amérique latine. Les coûts de manutention en Afrique sont également d’environ 50 % supérieurs à ceux observés ailleurs, selon les données de la Banque africaine de développement (BAD). De plus, le transport ferroviaire en Afrique est largement insuffisant. En effet, malgré la vaste superficie du continent, qui équivaut à la Chine, l’Inde, les États-Unis et une grande partie de l’Europe combinés, le réseau ferroviaire africain n’est pas significativement plus étendu que celui de la France et de l’Allemagne réunies. Encore plus surprenant, 13 pays africains ne disposent d’aucun chemin de fer opérationnel. Ces défis, qui se traduisent par des coûts élevés en matière de transport et de logistique, entravent la croissance industrielle. Pour stimuler l’industrialisation, l’Afrique doit garantir l’accès aux financements pour les petites et moyennes industries, disposer d’infrastructures énergétiques fiables, maintenir des coûts de transport réduits et former une main-d’œuvre compétitive.
Pouvez-vous partager des exemples concrets de pays africains qui ont réussi à développer leur industrie manufacturière et les leçons que d’autres pays pourraient en tirer ?
Le Maroc, un pays que j’aime énormément, est un exemple en termes d’industrialisation sur le continent africain. Le pays compte un total de 119 zones industrielles et 7 zones économiques spéciales, dont Casablanca, Rabat, Oujda, Tanger, Kénitra et Agadir. Ces zones bénéficient d’une exonération fiscale totale au cours des cinq premières années, suivie d’un taux réduit après cette période. Elles répondent ainsi aux besoins d’une grande variété d’industries. Le Royaume a des accords de libre-échange avec plus de 50 pays ainsi que des accords bilatéraux en matière fiscale. En ce qui concerne le secteur automobile, le pays dispose actuellement d’une capacité de production de 700.000 voitures par an. Neuf modèles de voitures, dont deux électriques, sont assemblés au Maroc. Les exportations du secteur automobile ont atteint un niveau record de 11 milliards de dollars en 2022. Des groupes tels que Renault-Nissan, Peugeot, Volkswagen et Hyundai ont des usines automobiles au Maroc. Le secteur aéronautique marocain est un moteur de l’économie, générant 2 milliards de dollars américains en exportations. Les principaux fabricants d’équipements d’origine (FEO) intègrent des composants fabriqués au Maroc dans leurs produits, ce qui crée des partenariats durables et mutuellement bénéfiques avec de grands géants de l’industrie tels qu’Airbus, Boeing, Pilatus, Sukhoi, Comac et Embraer. Cette intégration contribue à renforcer la position du Maroc en tant que joueur clé dans l’industrie aéronautique mondiale. En ce qui concerne les leçons à tirer du Maroc dans le domaine de l’industrialisation, je mettrais en avant l’importance de deux mots, à savoir vision et leadership.
Comment les gouvernements et les partenaires internationaux peuvent-ils collaborer pour favoriser une croissance industrielle durable en Afrique?
Il est essentiel de collaborer pour financer la recherche scientifique, faciliter le transfert de technologie et le partage de connaissances. De plus, les partenariats public-privé sont nécessaires pour construire des infrastructures de transport et d’énergie. En ce qui concerne l’énergie, il est crucial de définir le rôle de l’Afrique dans la transition énergétique mondiale en explorant, par exemple, la production d’hydrogène vert. Quant à la question du financement de l’industrie en Afrique, une étude de McKinsey montre que les investisseurs institutionnels en Asie, en Amérique et en Europe, qui sont intéressés par les investissements en Afrique, disposent, actuellement, de 11.000 milliards de dollars américains. Il est essentiel d’orienter ces capitaux vers des projets d’infrastructures et usines industrielles afin de catalyser la création de richesses.
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