France-Maroc : des irrégularités… et un procès contre l'ultradroite … – Marianne
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Marc de Cacqueray, ex-chef des Zouaves, un groupuscule néonazi, est ressorti avec un large sourire du Tribunal de Paris, ce 8 septembre. Tout comme ses six camarades, c’est un homme libre. Totalement libre. Alors que ces sept militants proches de l’extrême droite la plus radicale s’apprêtaient à être jugés pour un projet de ratonnade contre des supporters marocains à l’issue du match de football France-Maroc, en décembre 2022, les juges ont par surprise annulé de bout en bout la procédure qui les visait. Après une heure de suspension, le présidente de la 14e chambre correctionnelle, Nathalie Malet, a purement et simplement annulé les documents qui étaient à la base de cette procédure, à savoir les fiches d’interpellations, « et tous les actes subséquents ». « C’est-à-dire l’entière procédure », a conclu la magistrate, avant de suspendre l’audience.
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Coupe militaire, vêtus de polos et de chemises, les sept prévenus âgés de 21 à 24 ans sont alors ressortis triomphants de la salle d’audience, serrant les mains de leurs avocats et de leurs proches. « Des responsables politiques ont voulu faire de mon client un mythe et un homme à abattre. Ce résultat est satisfaisant du point de vue du droit », a sobrement déclaré Me Clément Diakonoff, l’avocat de Marc de Cacqueray, seul à s’exprimer à la sortie. Au cours du procès, Me Antonis Varoudakis, avocat de deux des prévenus, avait lui dénoncé « une intrumentalisation de la justice pénale » contre « des jeunes hommes à qui rien n’est reproché ». Dans la foulée, le GUD (Groupe union défense), organisation d’extrême droite proche des prévenus, a quant à lui réagi sur X (anciennement Twitter) en raillant « une affaire bidon sur une fausse ratonnade ».
Toute une procédure contre l’ultradroite qui vole en éclats : un véritable camouflet pour les forces de police et le parquet de Paris. Car cette décision extrêmement rare tient à des erreurs commises par des policiers parisiens le soir où ils ont interpellé ces hommes. Ces couacs procéduraux remontent donc au 14 décembre 2022. En cette soirée de demi-finale France-Maroc, des fonctionnaires de la BAC 75N épient un groupe d’une quarantaine de personnes regardant le match de football dans un bar du XVIIe arrondissement. Au moment où ils en sortent, groupés, leurs cache-cous remontés sur le nez, les fonctionnaires les prennent en chasse et les interpellent. Sur eux, ils trouvent des bombes lacrymogènes, des bâtons télescopiques et des gants coqués. Toute la panoplie habituelle pour en découdre.
Âgés de 17 à 36 ans, venus de Rouen, de Rennes et de toute la région parisienne, ces hommes sont pour beaucoup des anciens de Génération identitaire, du Bastion social et des Zouaves Paris, des organisations d’extrême droite violentes dissoutes ces dernières années par le ministère de l’Intérieur. Leur chef Marc de Cacqueray-Valmenier se trouve parmi eux. Deux jours plus tôt, le 12 décembre, sous son pseudonyme « Marc Hassin », celui-ci avait justement lancé à ses troupes sur Telegram un appel à la « mobilisation générale pour défendre notre drapeau face aux hordes de marocains ». Le bar du XVIIe arrondissement était leur point de rendez-vous. Avant d’aller s’en prendre aux supporters marocains sur les Champs-Elysées, estimaient les policiers. Mais ils n’avaient à ce moment-là pas commis de violences. Sur ces 38 interpellés, seul 7 sont finalement renvoyés devant le tribunal correctionnel pour « participation à groupement en vue de commettre des violences » et « port d’armes prohibé ». Dont de Cacqueray.
Mais huit mois plus tard, au procès, leurs avocats soulèvent dès le début de l’audience des irrégularités : une « procédure incomplète », des interpellations « illégales »… Le tribunal décide de se retirer et de trancher aussitôt. Et le couperet tombe une heure plus tard : la présidente, Nathalie Malet, entourée de ses deux assesseurs, fait droit à ces recours. Un événement rarissime : elle juge en effet que ces contrôles d’identité inopinés ont eu lieu dans une « zone non-couverte » par les réquisitions de la procureure, qui n’avait autorisé ces opérations que dans certains quartiers de la capitale, ce soir de match. En clair, les policiers n’étaient pas habilités à contrôler sans raison des personnes dans ce périmètre du XVIIe arrondissement.
Autre motif d’annulation : l’action des forces de l’ordre reposait sur un procès-verbal de 21 h 50, signé par un commissaire divisionnaire, qui indiquait que ce groupe de militants d’ultradroite « occupe bruyamment un débit de boisson » et se retrouve « susceptible de commettre des exactions à l’issue du match ». Or, « cela ne saurait constituer un motif de contrôle » conteste la présidente du tribunal. Les fiches d’interpellations sont annulés. Tout tombe. « Il y a lieu de renvoyer tous les prévenus des chefs de la poursuite », conclut la juge. Procès annulé.
Par Paul Conge
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne