Des chefs de file en soins infirmiers – Le Devoir
Ce texte fait partie du cahier spécial Profession infirmière
Visionnaires et mobilisateurs, les finalistes 2023 des prix Florence dans la catégorie Leadership sont à bien des égards des sources d’inspiration pour leurs pairs. Portraits de trois chefs de file qui, par leur engagement personnel et professionnel, suscitent une synergie entre les membres de leurs équipes.
Créer une clinique d’installation de stérilets sans budget et en quelques mois seulement… C’est le genre de défi que relève Andy Pelletier-Laliberté, conseiller cadre en soins infirmiers – volet infirmières praticiennes spécialisées (IPS), au CIUSSS de la Capitale-Nationale. « Je suis un patenteux dans la vie et dans mon travail, affirme-t-il. J’ai toujours un million d’idées, et j’aime voir que je peux les réaliser avec peu de ressources et qu’elles peuvent vraiment aider la population. »
Comment cela a-t-il été possible ? « Nous avions déjà le local et le matériel nécessaire, indique-t-il. Puis, les IPS ont des journées où elles peuvent se libérer de leur poste régulier pour donner des soins, réaliser de la formation ou de la recherche. J’en ai convaincu cinq de participer au projet en donnant une journée toutes les quatre semaines. »
Dès son ouverture en janvier, la clinique de pose de stérilets a été victime de son succès : une liste d’attente a dû être créée. « Elle fonctionne une journée ou une journée et demie par semaine, mais ce n’est pas suffisant, indique-t-il. Nous ouvrirons plus de journées. »
Cette initiative, qui a pris forme dans la Basse-Ville de Québec, a permis de remarquer d’autres besoins. Le CIUSSS ouvrira donc prochainement une clinique spécialisée en santé sexuelle qui offrira des services pour les infections transmissibles sexuellement et par le sang ainsi que pour les personnes trans.
Andy Pelletier-Laliberté est aussi depuis peu cochef de l’équipe d’infirmières de garde pour les victimes d’agression sexuelle, qui offre le service de trousses médico-légales. « Avant, j’étais moi-même de garde, mais lorsqu’on a commencé à ajouter des IPS dans l’équipe, ça allait de soi que j’en prenne la responsabilité. Puis, on étendra ce service dans Charlevoix. »
Attrapé pour l’entrevue alors qu’il revenait de Portneuf, il parcourt régulièrement le grand territoire du CIUSSS pour bien connaître ses réalités afin de trouver des solutions. « Cela m’aide à avoir un pouvoir d’influence, je crois. Aussi, lorsque j’ai un projet, je peux en parler à plusieurs personnes jusqu’à ce que je trouve la bonne pour le réaliser rapidement. »
Pour avoir un plus grand champ de pratique et augmenter son pouvoir d’influence, celui qui a commencé à pratiquer avec un diplôme d’études collégiales est allé chercher un baccalauréat, puis une maîtrise.
Toujours, sa motivation a été d’améliorer les services pour les clientèles marginalisées et vulnérables. Il a d’ailleurs travaillé jusqu’à récemment comme IPS en soins de première ligne à la Clinique santé des réfugiés du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Il soutient maintenant son ancienne équipe pour ouvrir les services aux demandeurs d’asile et pour les traitements de la tuberculose latente.
Pourquoi cet intérêt indéfectible pour ce type de clientèle ? « Je ne viens pas d’une famille aisée, alors ça m’a donné envie de donner des chances aux personnes qui en ont eu moins, indique-t-il. Puis, j’ai rapidement vu dans ma pratique que, lorsqu’on fait un petit geste pour des clientèles vulnérables, on reçoit de la reconnaissance infinie, donc c’est valorisant et ça donne envie d’en donner encore plus. »
Valérie Pelletier a toujours voulu travailler avec les enfants au CHU Sainte-Justine, et elle aura finalement mis 24 ans pour y arriver en tant que directrice des soins infirmiers. Déjà, lorsqu’elle faisait son diplôme d’études collégiales (DEC) en soins infirmiers, elle faisait du bénévolat à Sainte-Justine pour améliorer ses chances d’y être embauchée. Elle travaillait aussi comme préposée aux bénéficiaires pour bien garnir son curriculum vitae. « Aussi étonnant que cela puisseparaître aujourd’hui, il y a 28 ans, c’était très difficile de trouver du travail, alors que plusieurs infirmières étaient mises à la retraite sans être remplacées pour des raisons budgétaires », raconte-t-elle.
Finalement, après son DEC, elle a su que Sainte-Justine n’embauchait que des bachelières. L’hôpital Saint-Luc lui a fait une place les fins de semaine, sur appel, pendant qu’elle préparait son baccalauréat la semaine. Deux ans plus tard, ses heures ont disparu et elle s’est trouvé un emploi à l’Hôpital général juif. Une fois son baccalauréat terminé, elle aurait pu entrer à Sainte-Justine sur une liste de rappel. Mais son employeur lui offrait un poste permanent d’aide-infirmière-chef de soir en cardiologie : elle l’a accepté. En même temps, elle préparait sa maîtrise.
Elle a ensuite cumulé les promotions, notamment comme cheffe de l’urgence, puis comme coordonnatrice clinico-administrative et directrice adjointe des services de première ligne et des soins infirmiers. En 2015, lorsque le CIUSSS du Centre-Ouest-de-I’Île-de-Montréal a été créé, elle a eu un beau cadeau : elle a pu prendre la direction adjointe des services de première ligne pour la petite enfance, comprenant tous les soins mère-enfant, les organismes communautaires pour les familles, les écoles, etc. Elle se rapprochait de son rêve.
Puis, lorsque Sainte-Justine a ouvert le poste de directrice des soins infirmiers en 2019, Valérie s’est dit qu’elle était prête pour ce défi. Et elle l’a obtenu ! « Mon rôle est de m’assurer que les gestionnaires prennent soin de leur personnel pour qu’il puisse prendre soin des patients, explique-t-elle. Il y a beaucoup de jeunes cadres et elles ont besoin d’être soutenues. Des équipes heureuses donnent de meilleurs soins. »
En même temps, elle a dû naviguer dans le contexte de la COVID-19, où elle a déployé des équipes pour prêter main-forte, notamment, dans les CHSLD. Puis, l’an dernier, elle a géré la crise des virus respiratoires, qui a entraîné une grande augmentation des hospitalisations pédiatriques.
« Il a fallu voir comment nous occuper de tous ces patients et aider le réseau à rouvrir des lits de pédiatrie fermés pendant la COVID, raconte-t-elle. De l’expertise s’était perdue, alors il a fallu faire de la formation. »
Maintenant, elle peut se concentrer sur le défi du manque de personnel. « Il faut que je sois toujours novatrice pour mieux accueillir les nouvelles infirmières, qui ont beaucoup souffert pendant la COVID, alors qu’il y avait moins de stages, beaucoup de stress, d’anxiété et d’isolement. Elles ont besoin d’être bien soutenues et bien préparées à travailler dans un milieu en continuel changement. »
« N’oublie pas de dire que tu m’as laissée à moi-même pendant la COVID-19. » C’est ce que Yasmine, 16 ans, a dit spontanément à sa mère lorsque celle-ci lui a annoncé qu’elle avait une entrevue ce jour-là avec une journaliste. « Et c’est vrai, affirme Adila Zahir. Je suis mère de famille monoparentale et j’ai toujours tout fait pour elle. Mais, lorsque la pandémie a frappé, il y avait tellement de travail que j’ai dû la laisser souvent seule. Une fois, j’ai quitté la maison à 23 h pour aller au travail, et je ne savais pas quand j’allais revenir. Elle avait les larmes aux yeux. Je m’en souviendrai toujours. »
Visiblement, l’infirmière a le feu sacré. Pourtant, rien ne la prédestinait à choisir cette profession lorsqu’elle a quitté le Maroc pour s’installer au Québec en 1995. Sa passion première : les relations économiques internationales. Mais une visite de sa mère nouvellement diagnostiquée diabétique a changé sa destinée. « Je voulais prendre soin d’elle, donc j’ai commencé à lire sur le diabète, raconte-t-elle. J’ai appris à reconnaître les signes, à lui injecter de l’insuline, etc. Mais je ne me trouvais jamais assez bonne. »
En 2001, elle commence un baccalauréat en sciences infirmières à l’Université de Montréal. Elle travaille ensuite en néphrologie à l’hôpital Saint-Luc, puis au Royal Victoria. Mais l’hémodialyse, qui se faisait notamment les samedis, a rendu sa réalité de mère de famille monoparentale difficile. Elle bifurque donc vers le pavillon des femmes, mais là aussi, la conciliation travail-famille est ardue. Elle opte finalement pour la prévention et le contrôle des infections.
« J’étais un peu perdue en arrivant à ce poste, raconte-t-elle. C’était très différent de ce que j’avais fait auparavant, je n’étais pas au chevet des patients, je trouvais que mon rôle manquait de clarté. »
Sa superviseure lui recommande de réaliser une formation en prévention et contrôle des infections. Elle fait alors, à l’Université de Sherbrooke, des études supérieures spécialisées dans le domaine, puis une maîtrise.
« Ces études m’ont permis de mieux comprendre mon rôle et de développer un réel intérêt pour le domaine », indique celle qui est ensuite devenue cheffe de service en prévention et contrôle des infections au CIUSSS du Centre-Ouest-de-I’Île-de-Montréal.
Son bureau se trouve alors à l’Hôpital général juif, devenu dès mars 2020 l’un des premiers centres hospitaliers du Québec désignés pour recevoir les patients atteints de la COVID-19. Adila Zahir et son équipe ont alors dû établir des pratiques sécuritaires. « Tous les autres établissements du CIUSSS nous sollicitaient soudainement pour savoir comment gérer la crise, se souvient Adila Zahir. C’était tout un défi. Au début, moi-même, j’avais peur et je devais encourager les travailleurs et les travailleuses qui avaient peur. »
Maintenant que la crise est passée, elle peut investir plus de temps dans l’amélioration de l’accueil et l’orientation des nouvelles infirmières dans sa spécialité.
« Je participe à la création du contenu d’un programme d’orientation en ligne offert par l’Université McGill. Les recrues profitent déjà des premiers modules et la rétention s’est améliorée par rapport à 2019. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.