De Catherine Lara à Berlioz… : le parcours buissonnier de Bruno Messina – Le Point
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RENCONTRE. Avant de diriger les prestigieux festivals dédiés aux compositeurs Olivier Messiaen et Hector Berlioz, ce trompettiste a connu plusieurs vies.
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certains CV sortent de l’ordinaire. Celui de Bruno Messina en fait partie. L’itinéraire de ce trompettiste de talent, récipiendaire d’innombrables prix, n’a rien de linéaire. Des faubourgs populaires de Nice aux quartiers chics de Djakarta (Indonésie) ; de Java à Nanterre, le parcours de ce musicien est pour le moins décoiffant. Musicien de Catherine Lara à ses vingt ans, puis membre d’un modeste orchestre animant bals de village et mariages, il est devenu par la suite un très sérieux professeur d’ethnomusicologie à l’université.
C’est aujourd’hui un directeur artistique courtisé. Programmateur du festival des musiques sacrées du monde à Fès (Maroc), il s’apprête à clore, le 3 septembre, une belle édition du festival Berlioz à la Côte-Saint-André (Isère). Avec notamment l’orchestre national irlandais, la philharmonie d’Israël et la formation de la Garde républicaine. Également à la tête du festival Messiaen qui se tient chaque année au début de l’été, au pays de la Meije (aux confins de l’Isère et des Hautes-Alpes), il est, en outre, membre du jury de sélection du programme « Mondes nouveaux », que le ministère de la Culture a créé pendant la pandémie pour identifier des créateurs émergents à travers l’Hexagone.
À LIRE AUSSIArnaud Viard : le « Frenchy » qui séduit HollywoodRien ne prédisposait pourtant Bruno Messina à occuper cette place sur la scène culturelle française. « Je suis issu d’un milieu tout ce qu’il y a de modeste. Mes parents étaient immigrés. Mon père, sicilien de Tunis, a effectué tous les métiers possibles quand il a débarqué en France. Ma mère, andalouse de Casablanca, nous a élevés mon frère, ma sœur et moi, loin des salons germanopratins », sourit ce quinquagénaire débonnaire quand on le rencontre.

Débarqués dans l’Hexagone avec le flot des rapatriés d’Afrique du Nord au début des années 1960, ses parents ont vu leurs trois enfants devenir musiciens. « Patrick est devenu clarinettiste [encensé hier par Yehudi Menuhin, il est aujourd’hui l’une des étoiles de l’Orchestre national de France, NDLR], Carine est devenue flûtiste [elle se produit régulièrement avec Gilles Swierc] et moi, trompettiste », pointe Bruno Messina.
À LIRE AUSSI26 festivals de musique hors des sentiers battus pour célébrer l’étéLa musique, il est vrai, occupe une place particulière dans cette famille. Le grand-père, André, jouait dans l’une des formations les plus populaires de Tunisie. « Un orchestre de tangos et de paso doble dont on dit qu’il faisait danser tout Tunis », évoque le petit-fils, qui regrette de ne pas en savoir plus sur son aïeul. Mais celui-ci, à son arrivée dans l’Hexagone, s’est toujours refusé à refaire de la musique et même à en parler… sans que ses enfants comprennent bien pourquoi.
Son fils Aldo, père de Bruno, happé par les petits boulots en métropole, ne parvient pas à dégager du temps pour jouer. Mais il réussit tout de même à transmettre la passion de la musique à la génération suivante. Né en 1971, Bruno Messina saura gré à son géniteur de cette obstination. Au conservatoire de Nice puis de Paris, où son père l’envoie alors qu’il n’a que 15 ans, il va faire des rencontres déterminantes.
Hébergé avec son frère, d’un an son cadet, chez l’organiste de Notre-Dame de Paris, il est ainsi l’élève de Maurice André, qui formera des générations de grands trompettistes, jusqu’à Ibrahim Maalouf. Bruno Messina suit aussi les enseignements du saxophoniste de free fazz François Jeanneau. Son horizon s’ouvre tout à coup. « J’ai réalisé qu’il n’y avait pas que le classique dans la vie. Sans ces rencontres, je n’aurais peut-être pas joué pour Catherine Lara. Une collaboration qui m’a permis d’échapper au service militaire car je suis tombé, lors de mes trois jours, sur un colonel fan de cette chanteuse », rigole-t-il.
Bruno Messina rejoindra un peu plus tard la formation de Bob Quinel, qui accompagne L’École des fans, l’émission dominicale de Jacques Martin où des enfants sont invités à reprendre des tubes pop. En 1992, sa vie prend un virage décisif. À la faveur d’un programme d’été, Bruno Messina met le cap sur l’Indonésie dans le cadre d’un échange avec des musiciens javanais. Le séjour ne devait durer qu’un mois. Sous le charme de l’archipel et l’influence d’une histoire d’amour avec la petite-fille d’un sultan, le périple s’éternise.
Le trompettiste se met à l’ethnomusicologie pour pouvoir rester sur place. Il va y demeurer deux ans et épouser sa compagne indonésienne. Il devient, par la même occasion, un expert internationalement reconnu du patrimoine musical du petit royaume de Yogyarkata. Son retour dans l’Hexagone est cependant difficile. « On m’avait oublié. Mon téléphone ne sonnait plus », relève-t-il. Jeune papa, il reprend alors les études, à l’école pratique des hautes études, et se met parallèlement à jouer dans un orchestre de la Côte d’Azur, spécialisé dans l’animation de fêtes de village, de mariages et autres bar-mitsvah. Une expérience qui lui inspirera un roman paru l’an dernier : 43 feuillets, aux éditions Actes Sud.
Le suicide d’un de ses amis, membre comme lui de cet orchestre de variétés, joue le rôle d’un électrochoc. « Un autre de mes amis m’a dit, à peu près au même moment, qu’il trouvait étonnant que je joue dans une telle formation. Il m’a reproché en mots assez durs de ne pas être assez ambitieux. “Tu as quand même deux prix de conservatoire”, a-t-il conclu. » Cette réflexion le pousse à démissionner et à devenir enseignant au conservatoire, en même temps que directeur artistique à la délégation départementale à la musique et à la danse. En 2003, il prendra la tête de la Maison de la musique à Nanterre, jusqu’en 2008.
À LIRE AUSSILe conte de fées de la pianiste Jodyline GallavardinUne séparation le pousse alors à quitter l’Île-de-France pour prendre les rênes du festival Berlioz en 2009. Il deviendra directeur du festival Messiaen dix ans plus tard. Sous son impulsion, ces deux manifestations confidentielles gagnent rapidement en audience. Son cheminement hors norme le conduit, il est vrai, à concocter des programmes réconciliant musique savante et populaire. « Il n’existe qu’une musique, celle qui est jouée sincèrement. Le reste n’est que du bruit », conclut Bruno Messina, qui a refait sa vie depuis lors et vit désormais installé à Saint-Pierre-de-Bressieux.
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