Comment la corruption enfreint le développement au Maroc et nuit à … – Menara
Pr Brahim Charafi Universitaire et enseignant, Paris
Certes, c’est un fléau qui traverse toutes les sociétés mais malheureusement plus le pays est pauvre, ses institutions faibles, ses individus incultes…Plus la corruption triomphe et devient même une banalité.
Par ailleurs, la corruption ne peut être vaincue si les libertés civiles ne sont pas fermement garanties et si la société n’est pas gouvernée par les exigences du tandem droits et devoirs. Ce fléau de l’humanité doit être combattu à l’échelle mondiale parce qu’il est l’ennemi de la sécurité, du développement, du progrès et de la paix.
Au Maroc, la corruption est perçue comme un problème majeur qui entrave la croissance et le développement du pays. Dans cet article, nous examinerons les statistiques et les études qui démontrent comment la corruption nuit au développement du Maroc.
La corruption et son impact sur l’économie marocaine
Selon l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International, le Maroc se classe au 90e rang sur 180 pays en 2021, avec un score de 39 sur 100. Ce classement reflète une perception relativement médiocre de la corruption dans le pays. Plusieurs études ont montré que la corruption affecte négativement l’économie du Maroc.
Une étude réalisée par l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES) en 2021 a révélé que la corruption coûte au Maroc plus de 2% (réellement c’est entre 2 et 4%) de sa croissance annuelle. Ce chiffre est alarmant, car il signifie que la corruption entrave considérablement le développement économique du pays.
De plus, selon la Banque mondiale, la corruption a un impact négatif sur l’investissement étranger direct (IED) au Maroc. Les investisseurs étrangers sont réticents à investir dans un pays où la corruption est répandue, car cela augmente les coûts et les risques associés à leurs projets. Par conséquent, cela limite la capacité du Maroc à attirer des investissements étrangers, ce qui est essentiel pour stimuler la croissance économique.
La corruption et les inégalités sociales
Au-delà de l’impact économique, la corruption exacerbe également les inégalités sociales au Maroc. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la corruption aggrave la pauvreté et les inégalités en détournant les ressources publiques des services sociaux essentiels tels que l’éducation, la santé et les infrastructures.
Une étude menée par le Haut-Commissariat au Plan du Maroc en 2021 a révélé que la corruption dans le secteur de la santé a conduit à une mauvaise répartition des ressources, ce qui a un impact négatif sur l’accès aux soins de santé pour les citoyens, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables.
En outre, la corruption dans le secteur de l’éducation entrave l’accès à une éducation de qualité pour tous. Selon le rapport sur le développement humain du PNUD en 2020, la corruption dans le secteur éducatif marocain a conduit à une mauvaise allocation des ressources, ce qui a un impact négatif sur la qualité de l’éducation et, par conséquent, sur les perspectives d’emploi et d’avenir des jeunes Marocains.
La corruption est un problème persistant au Maroc et elle touche de nombreux secteurs de l’économie et de la société. Les secteurs les plus touchés par la corruption au Maroc incluent :
1. Administration et services publics : Les pratiques corrompues telles que le trafic d’influence, le favoritisme et la corruption passive sont courantes dans les services publics tels que les ministères, les municipalités et les tribunaux.
2. Secteur des affaires : La corruption est également répandue dans le secteur des affaires, notamment dans les industries extractives, le BTP, les marchés publics et la distribution de licences.
3. Secteur de la santé : Les pots-de-vin et les paiements informels sont courants dans le secteur de la santé, en particulier dans les hôpitaux publics et les cliniques privées.
4. Secteur de l’éducation : La corruption est également présente dans le secteur de l’éducation, en particulier dans les admissions aux écoles et les examens.
5. Secteur de la sécurité : La corruption est également signalée dans les forces de police et les services de sécurité, en particulier dans les activités de contrebande et de trafic de drogue.
6. Les partis politiques : La corruption est souvent associée aux partis politiques au Maroc, notamment en termes de financement de campagne et de distribution de postes gouvernementaux. Sans oublier les campagnes électorales et l’arrosage financier qui s’opère pendant.
7. Les institutions gouvernementales : Les pratiques corrompues telles que le trafic d’influence, le népotisme et la corruption passive sont courantes dans les services publics, les ministères et les agences gouvernementales.
8. Les médias : La corruption peut également se manifester dans les médias, notamment dans les cas de censure, de manipulation de l’information et de conflit d’intérêts.
9. Les entreprises : Les pots-de-vin, la fraude et les paiements informels sont courants dans les entreprises marocaines, en particulier dans les industries extractives, le BTP, les marchés publics et la distribution de licences.
Il est important de noter que la corruption peut être difficile à quantifier et que ces secteurs ne représentent qu’un échantillon des domaines susceptibles d’être touchés…Il est très opportun de consacrer des articles à la corruption de nombreux acteurs politiques dont les médias et réseaux sociaux sérieux ont mis en exergue ces derniers temps. Bon nombre d’élus sont arrivés au pouvoir par l’usage des canaux illicites et moyennant argent en contrepartie. Ça mérite une profonde investigation journalistique.
Lutte contre la corruption
Pour lutter contre la corruption et promouvoir le développement, le gouvernement marocain a adopté une série de mesures législatives et institutionnelles. En %015, le Maroc a créé l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), qui vise à lutter contre la corruption en élaborant et en mettant en œuvre des politiques anticorruption.
Cependant, pour que ces efforts soient fructueux, il est essentiel d’assurer une réelle volonté politique et un engagement à tous les niveaux de gouvernement, ainsi que de renforcer les mécanismes de responsabilisation et de contrôle.
En conclusion, la corruption est un problème majeur qui entrave le développement économique et social du Maroc. Les statistiques et les études présentées dans cet article démontrent que la corruption a des conséquences néfastes sur l’économie marocaine et exacerbe les inégalités sociales. Pour surmonter ces défis, il est impératif de renforcer la lutte contre la corruption et de promouvoir la transparence, la responsabilité et l’intégrité au sein des institutions et des processus gouvernementaux. Sans oublier le rôle de la justice, le regard permanent des organismes chargés de superviser la vie publique, le rôle des citoyens pour ne pas devenir complice d’un tel sarcasme et un tel persiflage.
Brahim Charafi,
Universitaire et enseignant, Paris.
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