Bonne gouvernance et intégrité publique : les crises interrogent le … – Ecoactu
« Dans le contexte des crises, émergent les responsabilités et les tâches vitales des institutions supérieures de contrôle (ISC), qui sont censées remplir efficacement les rôles qui leur sont assignés par les lois nationales et contribuer à la construction et à la consolidation des éléments de reprise et de reprise économique, à la poursuite harmonieuse de la mise en œuvre des réformes programmées, et la promotion de la transparence, de l’intégrité et de la bonne gouvernance au service d’un développement durable et inclusif », c’est en ces termes que s’est exprimée Zineb El Adaoui, 1e Président de la Cour des Comptes lors du Colloque international organisé en partenariat avec le ministère de l’Économie et des Finances et qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’événements organisés par le Royaume du Maroc à l’occasion de l’accueil des réunions annuelles du Groupe de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International en octobre 2023 à Marrakech.
Lors de cet événement organisé le 12 septembre à Marrakech sous le thème « Le rôle des institutions supérieures de contrôle dans la promotion de la responsabilité, de la transparence, de l’intégrité et de la bonne gouvernance », il a été souligné l’importance pour les ISC d’agir en tant qu’institutions d’experts stratégiques qui aident les pays à anticiper et à gérer efficacement les risques, y compris les risques liés aux situations d’urgence et aux catastrophes naturelles, tout en évaluant les systèmes, programmes et fonds créés pour les gérer, en identifiant les déséquilibres qui peuvent y apparaître et en organisant les sanctions pour négligence dans les responsabilités qui leur sont associées.
« Naturellement, dans ces domaines vitaux, les institutions supérieures de contrôle ne peuvent pas fonctionner indépendamment de leur environnement institutionnel et sans interaction avec d’autres acteurs, que ce soit dans le cadre de partenariats nationaux avec les institutions de gouvernance et les composantes du système local d’intégrité et de transparence, ou de partenariats internationaux dans le cadre de coopération avec les agences, institutions et organisations homologues », soutient Zineb El Adaoui en insistant sur l’importance des complémentarités et les partenariats institutionnels avec tous les intervenants du système national de l’intégrité publique.
A rappeler dans ce sens que la Cour des comptes exerce son travail de contrôle selon un programme pluriannuel dont le plus important est la durabilité et la contribution au succès des réformes liées aux finances publiques (notamment les ateliers d’efficacité des performances et la programmation pluriannuelle), la réforme fiscale, la réforme de l’administration publique, ainsi que les grands projets du pays, tels que les chantiers de protection sociale.
La CC veille également à l’engagement du Maroc à respecter le Code de transparence approuvé par le Fonds monétaire international, certifie les comptes de l’État conformément aux normes internationales et contribue au renforcement de l’intégrité et de transparence, en exerçant son fonctions dans le domaine de la discipline budgétaire et du contrôle du financement des partis politiques. C’est également l’une des rares autorités supérieures à assurer le contrôle des déclarations de patrimoine. Tous ses travaux sont publiés en plus d’une présentation annuelle au Parlement devant les deux chambres.
Intervenant également lors de ce colloque, Fouzi Lekjaâ, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget, a souligné que dans le contexte compliqué qui prévaut dans le monde actuellement, la visibilité devient la plus courte possible quelle que soit l’expertise de prévision. Il devient important dès lors de se focaliser sur les aspects qualitatifs de la gouvernance des finances publiques et par conséquent leur efficience.
Par ailleurs, le ministre estime que l’aspect institutionnel, tout le monde est unanime qu’on ne peut pas séparer un modèle de développement d’un modèle de gouvernance. L’amélioration des conditions de vie des citoyens et l’amélioration des moyens de gouvernance constituent un binôme.
Il a rappelé par ailleurs comment le contrôle au Maroc est passé de la régularité du processus vers l’audit et l’évaluation de performance. D’ailleurs, un rapport de performance est déposé devant le parlement qui permet d’interroger l’écart entre objectifs et réalisation.
Et cet élan se poursuit avec la réforme qui sera bientôt enclenchée de la LOLF, avec des nouveautés qui devraient compenser les limites de la loi actuelle en matière notamment de la Loi de finances rectificative ou encore l’arsenal juridique qui accompagne le décret sur les marchés publics.
Et comme la régularité des textes n’est pas suffisante à elle seule, le ministre invoque l’importance de la complémentarité entre différentes institutions pour mieux assurer la transparence, la reddition des comptes, et la bonne gouvernance.
L’indépendance des ISC, un impératif
L’événement qui a connu la participation d’experts du Maroc et de l’étranger tend à mener des réflexions communes et un échange multidisciplinaire sur les enjeux, les défis et les approchées de la contribution des ISC au renforcement de la reddition des comptes, de la transparence, de la bonne gouvernance et de l’intégrité publique.
A ce propos, les échanges ont porté principalement sur trois thématiques majeures, notamment les partenariats institutionnels pour améliorer la transparence et l’intégrité publique, les stratégies de surveillance des institutions supérieures de contrôle au service du renforcement de la transparence et de l’intégrité publique et la transformation numérique comme moyen pour améliorer la transparence, l’intégrité publique et la bonne gouvernance.
Dans ce sens, Bruno Dantas, Président du Tribunal fédéral des comptes du Brésil et président de l’Organisation Internationale des Institutions Supérieures de Contrôle des Finances Publiques (INTOSAI) relève que « La transparence et la responsabilité sont essentielles au fonctionnement efficace des gouvernements et des institutions publiques et au renforcement de la résilience, y compris en temps de crise provoquée par des catastrophes naturelles. La corruption consomme de précieuses ressources publiques, contribue à accroître les inégalités économiques et sociales, perpétue la pauvreté et a un impact direct sur le bien-être des populations. Cela conduit également à un manque de confiance dans les institutions. Dans ce contexte, la simple création de nouvelles réglementations ne suffit pas pour répondre à la corruption ».
Pour y remédier, il estime qu’il faut des approches qui favorisent réellement l’intégrité publique, fondées sur trois piliers principaux, selon la stratégie préconisée par l’OCDE. A savoir, la création de systèmes réduisant les possibilités de comportements indésirables ; un changement dans la culture de l’administration publique, rendant la corruption socialement inacceptable ; et une transparence adéquate des actes et documents publics et la responsabilité correspondante pour tout écart.
« C’est dans ces conditions que les Institutions supérieures de contrôle doivent mener leur travail, en recherchant les meilleures pratiques en vue de promouvoir l’intégrité et d’éviter la corruption dans les organisations publiques. Les audits doivent répondre à la nécessité de renforcer les contrôles internes, à l’engagement de la haute direction à promouvoir des pratiques anti-corruption, à l’adoption de modèles et de processus de travail bien définis et à la clarté des devoirs et responsabilités de chaque agent public.
Les ISC à fonction juridictionnelle, comme le Brésil et le Maroc, disposent également de mécanismes d’exécution qui garantissent le respect des normes et standards d’intégrité, sous peine de responsabilité des agents publics. Les décisions et recommandations émanant de l’ISC ayant une fonction juridictionnelle obligent non seulement à se conformer, mais conduisent souvent à de profonds changements dans les réglementations et les pratiques qui peuvent être étendues à l’ensemble de l’administration publique.
Bruno Dantas aborde également la question de l’indépendance des ISC dans l’amélioration de la performance du secteur public et contribuent ainsi à l’état de droit, à l’intégrité, à la croissance économique, à la justice sociale et à l’équité.
Même son de cloche du côté de Jesko Hentschel, directeur pays de la Banque mondiale au Maroc qui rappelle que c’est l’un des objectifs principal de la Déclaration de Lima en 1977.
La déclaration de Lima a en effet appelé à l’indépendance du contrôle des finances publiques. A rappeler dans ce sens qu’en 2021, la Banque mondiale a lancé un indice dans ce sens, INSAI, dans les pays clients de l’institution et autant dire à ce stade qu’il y a encore du chemin à faire en matière d’indépendance des ISC.
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