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La présidente du bureau de Rabat de l’Association démocratique des femmes du Maroc pense que la nouvelle réforme du code de la famille ne suffit pas. Pour elle, elle faut harmoniser toutes les lois avec la Constitution et entre elles.
Le chantier de la réforme de la Moudawana vient d’être lancé par SM le Roi Mohammed VI. Quelles sont vos attentes par rapport à cette nouvelle réforme?
On s’attend à ce que les dispositions du nouveau code de la famille ne comportent aucune incohérence et contradiction, que notre juridiction familiale protège les droits de tous les citoyens et citoyennes et qu’elle leur garantisse la pleine égalité, l’équité, la justice sociale, qu’elle facilite l’accès de tous les justiciables à tous leurs droits. Pour ce faire, cette réforme doit être abordée de manière globale, profonde et radicale avec comme principe directeur l’égalité et la non-discrimination. Le nouveau code de la famille doit être harmonisé avec la Constitution de 2011 qui prône l’égalité entre les hommes et femmes dans tous les droits, la lutte contre toutes les formes de discrimination et l’intérêt supérieur de l’enfant. Il doit également être harmonisé avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant.
L’Association démocratique des femmes du Maroc avait appelé en octobre 2021 déjà à la révision du code de la famille. Quelles sont les grandes lacunes de ce code?
Les lacunes sont nombreuses et notre association appelle chaque année dans tous ses communiqués à la révision du code de la famille. Les dix-neuf années d’application du code actuel ont mis en évidence de nombreux problèmes inhérents au texte et à son application. A titre d’exemple: l’article 400, qui autorise les juges de se référer à la doctrine malékite pour combler un vide juridique, leur permet par conséquent d’opter pour des interprétations subjectives, défavorables aux droits des femmes et de leurs enfants; les concepts fondateurs de l’autorité masculine «qiwama» engendrent des inégalités et discriminations; l’utilisation de certaines notions très dégradantes portent atteinte à la dignité de la femme; le pouvoir discrétionnaire accordé au juge pour le mariage des mineures et la polygamie a privé des milliers de femmes et de jeunes adolescentes de leurs droits à l’éducation, à l’indépendance et à la sécurité; la tutelle légale accordée uniquement au père est une inégalité notoire pour les femmes et une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, alors que le code de 2004 prône l’égalité des époux en droits et en responsabilités.
Pensez-vous que le Maroc accuse beaucoup de retard en matière d’égalité entre les femmes et les hommes?
Jusqu’en 2011, le Maroc a réalisé de nombreuses avancées en matière de promotion et de protection des droits des femmes qui sont consolidées par la Constitution de 2011. Toutefois, la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles qui doivent engager le Maroc dans un processus d’harmonisation de sa législation et de ses politiques nationales avec la constitution, a connu une lenteur inexpliquée avec le gouvernement précédent. Aussi, les statistiques restent alarmantes en matière d’accès à la justice, à l’éducation, à l’emploi, à la responsabilité, aux instances de gouvernance, à la santé, à la protection sociale, à la terre etc. En témoigne le classement du Maroc dans l’Indice mondial de disparité entre les sexes (gender gap), est 136ème sur 146 pays, avec un recul de moins 0, 003. De nombreux défis restent à relever!
Quel est votre avis sur certaines questions, qui suscitent de la résistance dans la société marocaine, notamment la question de l’héritage qui constitue une ligne rouge pour les conservateurs et les islamistes?
Tout d’abord, je tiens à signaler qu’il est choquant de voir au lendemain de l’annonce de l’ouverture du chantier de la réforme, cette circulation de fausses informations sur les réseaux sociaux et dont le seul objectif est de fausser le débat public. Concernant l’héritage, un débat responsable est indispensable. Il doit être basé sur des données et analyses tirées du terrain pour mesurer l’impact socioéconomique de l’inégalité dans l’héritage. Les résultats d’une telle étude permettraient d’avoir des statistiques sur le nombre de femmes et de familles qui ont sombré dans la vulnérabilité, mais également sur le nombre de familles qui protègent leurs filles en leur faisant des legs de leur vivant et par conséquent qui reconnaissent indirectement que la loi doit changer.
Pensez-vous que la nouvelle réforme va permettre à la femme marocaine de recouvrer tous ses droits sociaux?
Nous pensons que le nouveau code de la famille permettra de protéger les droits des femmes, des filles et des enfants dans les différentes situations familiales. Mais à elle seule, la réforme de la législation familiale ne suffit pas. Il faut harmoniser toutes les lois avec la constitution et entre elles. Notamment le code pénal, il faut réviser la loi sur l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD) et opérationnaliser cette institution constitutionnelle, il faut amender la loi sur la violence pour permettre à cette loi de protéger toutes les femmes contre tous les types de violence, il faut intégrer le principe de l’égalité des sexes dans les politiques publiques sectorielles et il faut changer en parallèle les mentalités à travers la diffusion de la culture de l’égalité via tous les circuits de transmission en priorité, le système éducatif et les médias.
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