Accréditations, compétences, modèle pédagogique… les business schools se réinventent – Le Matin
Nabila Bakkass ,
Être accréditée, c’est important pour une business school qui cherche à se différencier et à gagner la confiance des parents et des étudiants, mais ce n’est pas suffisant. L’enjeu aujourd’hui pour ces établissements est de créer les conditions nécessaires pour permettre aux étudiants de développer les soft skills les plus prisées par les recruteurs. Ceci va permettre aux jeunes non seulement d’intégrer le marché de l’emploi, mais aussi et surtout d’évoluer dans leur carrière tout en contribuant activement au développement de leur entreprise.
«Qualité, accréditations et classements des business schools au Maroc : Comment s’y retrouver ?». C’est le thème retenu pour la Matinale co-organisée par Groupe Le Matin et Rabat Business School-UIR, le 31 mai à Casablanca. L’événement a été l’occasion pour les experts de l’enseignement supérieur et les professionnels RH d’échanger sur plusieurs sujets, notamment l’importance des accréditations pour les business schools, les nouveaux enjeux de ces établissements dans un environnement constamment changeant, mais aussi et surtout les nouvelles exigences des entreprises dans le recrutement des lauréats.
Olivier Aptel, doyen et DG de Rabat Business School, a attiré l’attention sur le fait que les business schools ont été radicalement transformées ces dernières années. «Aujourd’hui, les business schools doivent non seulement répondre aux besoins des entreprises qui sont leurs clients finaux, mais aussi et surtout respecter leurs engagements de façon responsable et éthique tout en mesurant leur impact sur la société». Pour lui, les établissements doivent également s’inscrire dans un contexte international en ayant des partenaires partout dans le monde et en favorisant la mobilité des étudiants. Les business schools doivent ainsi être internationales, scientifiques et avoir un impact sur la société. Le responsable a tenu à noter que ce changement est dû, entre autres, à l’effet de la mondialisation qui a donné lieu à des standards internationaux de plus en plus imposés aux business schools formant une sorte de normalisation.
À cet égard, force est de reconnaître que l’accréditation s’est aussi imposée comme facteur de choix d’une business schools pour bon nombre de parents et d’étudiants. Sur ce volet, Jamal Belahrach, CEO chez Deo Conseil International, conférencier et membre du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de recherche scientifique, a confirmé que les business schools sont en quête d’accréditation pour se différencier. «Une business school est avant tout une entreprise en compétition avec d’autres concurrents et l’accréditation, entre autres, lui permet de se différencier», a-t-il expliqué. Et de souligner que les accréditations mesurent notamment le nombre de professeurs, de doctorants et de brevets déposés par la bussiness school, ce qui permet justement de rassurer les parents. Pour Jamal Belahrach, c’est important que les écoles marocaines soient entrées dans cette course. «Ceci permettra d’attirer les étudiants africains et d’éviter que les jeunes Marocains partent étudier à l’étranger puisqu’ils sont psychologiquement convaincus que les études dans d’autres pays sont plus performantes», a-t-il noté.
L’expert a tenu à souligner, en revanche, que le fait d’être accrédité n’est pas un gage de qualité et que l’expérience réelle vécue par les étudiants et les employeurs est plus déterminante. Ceci dit, a précisé l’expert, l’enjeu pour les établissements marocains aujourd’hui est de créer les conditions nécessaires pour que les jeunes libèrent leurs potentiels pendant le processus éducatif.
Selon la présidente de l’Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF), Bouchra Nhaili, les professionnels s’intéressent rarement aux classements des business schools. Pour elle, ces classements sont plutôt destinés aux jeunes et leurs parents qui se retrouvent face à une panoplie d’offres après l’obtention du baccalauréat. Bouchra Nhaili, qui est aussi DRH de Lydec, a noté que ce qui intéresse les recruteurs est de trouver de bons profils capables d’intégrer le monde de l’entreprise tout en faisant preuve d’un savoir, d’un savoir-faire et surtout d’un savoir-être.
Effectivement, il suffit d’une analyse des offres d’emploi pour constater à quel point les recruteurs accordent de l’importance à ces trois compétences et, particulièrement, aux soft skills comme le sens de l’écoute, l’empathie et la capacité de s’adapter aux changements. Partant de sa propre expérience terrain, la présidente de l’AGEF a ajouté une autre compétence, à savoir le savoir-évoluer. «En matière d’employabilité, on parle de plus en plus de la capacité du jeune à accéder au monde du travail, à y rester, mais aussi et surtout à évoluer dans sa carrière», a-t-elle détaillé. Et d’ajouter que ce serait très prétentieux de dire qu’un jeune lauréat d’une business school serait opérationnel dans l’entreprise dès le premier jour. «Il va devoir suivre, expérimenter et grandir dans l’entreprise d’où l’intérêt du savoir, savoir-faire, savoir-être et, bien éventuellement, du savoir-évoluer», a-t-elle insisté.
Autre précision et non des moindres : L’intégration de l’intelligence artificielle dans le mode de l’enseignement est plus qu’une nécessité. «Les business schools doivent aussi se réinventer à l’aube de l’intelligence artificielle et de la technologie émergente», a insisté Jamal Belahrach. Et d’ajouter que l’enseignement doit s’adapter à ces nouvelles avancées, sachant que le concept de l’université virtuelle a déjà été adopté dans certains univers.
Réagissant aux constats dressés par les deux autres intervenants, Olivier Aptel a confirmé de son côté que la transformation et la réinvention des business schools sont essentielles pour répondre aux besoins futurs et aux changements technologiques qui se profilent à l’horizon. Il a, toutefois, tenu à souligner que le système des accréditations trouve tout son intérêt poussant les établissements à avancer davantage. Sur ce volet, le doyen de Rabat Business School a expliqué que dans le monde des business schools, il existe deux types d’accréditations qui sont le plus connues : l’accréditation nord-américaine AACSB et l’accréditation européenne L’Equis. «Il existe d’autres systèmes d’accréditation, mais ces deux-là ne se limitent pas à des ratios. Ils portent sur des aspects comme la stratégie, la mission, la vision et la manière avec laquelle la business school, qui est aussi une entreprise, voit son avenir», explique-t-il. Et de souligner que ces processus d’accréditation sont très longs et surtout très exigeants. «Le processus prend entre 4 et 7 ans et seulement 5% des business schools dans le monde sont accréditées AACSB et Equis». «À Rabat Business School, nous avons remarqué que l’obtention de l’accréditation AACSB a été un booster en termes de nombre de candidats. Nous comptons aujourd’hui 2.200 étudiants alors qu’il y a 6 ans, nous n’en avions que 600», a-t-il précisé.
L’expert a partagé un constat dressé par les responsables de l’établissement : des étudiants qui n’auraient jamais envisagé de faire des études de commerce au Maroc ont décidé de rester dans le pays, que ce soit après avoir terminé leur scolarité dans l’enseignement public marocain ou dans le système éducatif français. «De plus, nous avons été classés dans le top 100 des Business Schools mondiales par le “Financial Times”, ce qui a renforcé notre visibilité et notre réputation», s’est-il réjoui tout en précisant que le classement a également eu un impact sur les choix des étudiants. Ainsi, «les accréditations et les classements jouent un rôle essentiel et contribuent à freiner les départs à l'étranger en offrant des programmes de qualité reconnus internationalement», a-t-il noté.
En réaction à ce constat, Bouchra Nhaili a souligné que la motivation des jeunes qui partent faire leurs études à l’étranger n’est pas forcément la recherche d’une bonne école, mais plutôt la quête d’un autre mode de vie et une autre société. «Ces jeunes partent à l’étranger pour étudier, mais aussi, et malheureusement, pour y rester», a-t-elle regretté tout en précisant que le phénomène de la fuite des talents a repris aujourd’hui après avoir connu une période de stagnation en temps de Covid-19. Il convient de souligner qu’il y a beaucoup de choses à faire sur ce volet, sachant que les talents marocains sont parmi les plus sollicités au monde, ce qui complique la mission pour les fonctions RH. Chiffres à l’appui : 80% des candidats marocains sont approchés plusieurs fois par an dont 41% tous les mois, voire toutes les semaines, selon une étude réalisée récemment par Boston Consulting Group (BCG) et ReKrute.com.
De son côté, Jamal Belahrach salue l’effort déployé par l’UIR pour tenter de retenir les 30% de jeunes étudiants qui souhaitent systématiquement étudier à l'étranger. «J'ai eu l'occasion de visiter l'Université, et je confirme que lorsqu’on offre aux étudiants la possibilité de vivre comme s’ils étaient ailleurs, ceci permet de les retenir, sauf que ce n’est pas généralisé», a-t-il rebondi. Pour lui, ce sont les écoles qui doivent se battre, au même titre que les entreprises, pour donner envie aux jeunes de rester au Maroc en misant sur l’expérience étudiant et non uniquement sur les accréditations.
À ce titre, Jamal Belahrach a regretté le fait que l’éducation devienne un marché concurrentiel axé sur le volume, et d'en avoir oublié l'objectif fondamental. «Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n’est pas temps de dire que l’on offre une formation pour répondre au marché du travail, mais il ne s'agit pas seulement de répondre aux besoins du marché du travail, mais de créer une expérience étudiante qui, à long terme, favorise un véritable engagement citoyen et a un impact sur les organisations», a-t-il dit. Pour lui, les business schools doivent ainsi permettre aux jeunes d’apprendre pour développer leurs compétences surtout à l’ère de la transformation digitale qui a facilité la transmission du savoir.
De façon générale, certains critères sont retenus pour le classement des business schools à travers le monde. Il s’agit, notamment, de la réputation de l’école, la capacité de recueillir de la data sur l’avis des employeurs qui ont recruté de jeunes diplômés et, enfin, la publication en matière de recherche académique. Cette dernière est devenue importante puisque les business schools doivent former des étudiants capables de suivre les évolutions en entreprises, sachant que ces dernières sont en mouvement perpétuel. Mais malgré son importance, il faut reconnaître que la recherche constitue toujours le maillon faible, «les établissements n’ayant pas trop progressé dans ce domaine», admet Olivier Aptel. Et d’ajouter que pour faire de la recherche dans une business school, il faut comprendre son intérêt stratégique, mais aussi et surtout mettre beaucoup de moyens et se doter de «vrais» enseignants-chercheurs.
En Afrique, 4 business schools seulement font de la recherche, dont trois en Afrique du Sud et une au Maroc», a-t-il déclaré tout en précisant qu’on n’a pas vraiment de publications significatives, ce qui est regrettable. L’intervenant estime que la recherche va évoluer sous la pression des standards internationaux et les systèmes d’accréditations qui forcent en quelque sorte les business schools à progresser. De l’avis de Bouchra Nhaili, le développement de la recherche au niveau des business schools c’est aussi important pour les recruteurs puisque ça a un impact sur la qualité des candidats. La DRH de Lydec estime, à ce titre, que l’entreprise doit s’associer avec la business school pour pouvoir réfléchir sur les enjeux du futur.
«Le taux de chômage chez les jeunes diplômés est de 30%», a révélé Jamal Belahrach. Ceci dit, il existe une inadéquation entre l'offre de formation des business school et les besoins des entreprises. «Les écoles doivent donc se réinventer sur le plan pédagogique en adoptant une approche hybride, qui combine les méthodes traditionnelles et le numérique», a souligné Jamal Belahrach. Et d’ajouter que cette évolution permettra de former des profils adaptés aux exigences du marché du travail et capables de s'adapter aux évolutions constantes de l'entreprise. «De nos jours, le savoir n'est plus uniquement entre les mains des enseignants. Bien sûr, nous avons accès à une quantité considérable de connaissances, accessibles à tous. Cependant, la technologie est en train de transformer notre rapport au savoir», a-t-il noté avant de préciser que la question cruciale est de savoir comment nous utilisons cette connaissance et ce contenu.
«Avec toutes les ressources disponibles, il est possible de se perdre et de se retrouver à raconter des absurdités sans savoir les analyser. C'est pourquoi la compétence clé dont nous avons besoin sur le marché du travail est la pensée critique», a-t-il souligné. Les intervenants sont donc unanimes sur le fait qu’au-delà des accréditations, les établissements doivent se réinventer pour former des jeunes capables non seulement de trouver un emploi, mais aussi et surtout d’accompagner l’entreprise dans son évolution tout en accordant un grand intérêt au développement de leur carrière. Autant dire qu’il y a encore du pain sur la planche aussi bien pour les business schools que pour les entreprises.
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Olivier Aptel : «Les accréditations contribuent à éviter le départ des étudiants à l'étranger»
«Les accréditations et les classements contribuent à freiner les départs des étudiants à l'étranger. En effet, si on offre aux étudiants un environnement qui répond à leurs besoins avec, à l’issue de la formation, un diplôme reconnu internationalement, ceci donnera à réfléchir aux parents. Un autre élément rentre en jeu qui est le fait d’assurer des semestres à l’étranger. Côté accréditations, il faut savoir que les deux les plus connues sont l’AACSB et L'Equis. Elles portent sur des aspects comme la stratégie, la mission, la vision et la manière avec laquelle la business school, qui est aussi une entreprise, voit son avenir. À Rabat Business school, nous avons remarqué que l’obtention de l’accréditation a permis de booster le nombre de candidats. Nous avons aussi été classés dans le top 100 des Business Schools mondiales par le “Financial Times”, ce qui a renforcé notre visibilité et notre réputation.»
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Bouchra Nhaili : «Privilégier les compétences techniques et les soft skills plutôt que les classements des écoles»
«On parle rarement des classements des business schools. Les professionnels RH ne s’intéressent pas vraiment au score obtenu par chaque école. Ce qui les intéresse plutôt, ce sont les compétences techniques et les soft skills des profils qui seront disponibles sur le marché du travail. Les professionnels vérifient plutôt si ces profils seront dotés d’un savoir, un savoir-faire et surtout un savoir-être. C’est trop prétentieux de dire qu’un jeune diplômé d’une Business school sera opérationnel dès le premier jour. Il aura besoin de suivre, expérimenter et grandir au sein de l’entreprise d’où l’intérêt des trois savoirs auxquels j’ajouterai la quatrième compétence qui est le savoir-évoluer.»
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Jamal Belahrach : «Les business schools doivent réinventer leurs modèles pédagogiques»
«Le savoir aujourd’hui n’est plus entre les mains de l’enseignant puisque la technologie est en train de le submerger. La question est de savoir comment utiliser ce savoir. À titre d’exemple, si on ne sait pas comment utiliser le ChatGPT, ce dernier pourrait nous raconter des histoires. Ceci dit, les profils à recruter doivent avoir ce que l’on appelle la pensée critique. Il s’agit d’une compétence qui permet justement d’analyser tout ce que l’on reçoit au quotidien comme informations. Sur ce volet, force est de se pencher sur la dimension culturelle au Maroc pour vérifier si la pensée critique était d’abord autorisée dans le système éducatif de nos jours. Les universités, les écoles privées et les business schools doivent réinventer leurs modèles pédagogiques.»
>>Lire aussi: Rabat Business School, première université africaine à intégrer le top 100 des business schools dans le monde
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