"Il faut instaurer un rapport de force avec l'Algérie", préconise l … – Var-matin
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Ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt est l’invité ce jeudi à Toulon de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques. Thème de la conférence (1) : l’énigme algérienne.
Il est le diplomate français qui aura passé le plus de temps en poste à Alger. À la veille de donner sa conférence à Toulon, qui s’appuie sur les huit années où il aura occupé le poste d’ambassadeur, Xavier Driencourt nous a accordé une interview. Il ne mâche pas ses mots vis-à-vis de l’ancienne colonie et appelle à moins de naïveté de la part de la France.
Pourquoi parlez-vous d’une “énigme algérienne”?
Parce que, du fait que nous ayons colonisé l’Algérie pendant 132 ans, nous croyons connaître ce pays, mais qu’en réalité il n’en est rien. L’Algérie reste un pays énigmatique, fermé, opaque, mystérieux. Nous manquons cruellement de capteurs. En raison de l’importante diaspora algérienne en France, les Algériens nous connaissent beaucoup mieux. Quant aux relations économiques que nous entretenons avec Alger, la Chine nous a dépassés et nous sommes aujourd’hui à égalité avec l’Italie, l’Espagne ou encore l’Allemagne.
Vous avez été ambassadeur en Algérie à deux reprises. Quelle évolution avez-vous constatée dans les relations entre les deux pays?
Plus qu’une évolution, il existe une constante dans les relations franco-algériennes que je décris comme un phénomène de type CAC 40, avec une alternance de périodes haussières et de périodes baissières. La relation entre nos deux pays est une sinusoïdale: on se fâche, puis on se réconcilie. Mais depuis quelque temps, force est de constater que la tendance baissière l’emporte. Encore tout dernièrement, Alger a décidé d’interdire l’enseignement du français dans les écoles privées qui permettait de préparer des études supérieures en France. En juin dernier, l’Algérie avait, d’une certaine façon, soutenu les émeutiers en France et elle a réintroduit un couplet anti-France dans son hymne national! Si l’on veut que ça change, il faut instaurer un rapport de force avec l’Algérie.
La France a-t-elle tort de privilégier l’Algérie au détriment du Maroc par exemple?
Entre la France, l’Algérie et le Maroc, nous sommes dans une sorte de triangle infernal. Sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy et même Hollande, il existait un équilibre entre nos positions vis-à-vis de l’Algérie et du Maroc. Mais depuis l’élection d’Emmanuel Macron, on a totalement misé sur l’Algérie. Et ce pari se transforme en piège. On ne récolte en effet que des insultes, des humiliations du côté d’Alger et on s’est brouillé avec le Maroc qui exige que la France reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental comme l’a fait l’Espagne. Aujourd’hui, la France n’est bien avec aucun pays du Maghreb. C’est plutôt préoccupant.
Report du voyage du président Tebboune en France, paroles inamicales ajoutées à l’hymne national, “danse du ventre” devant Poutine… À quoi joue l’Algérie?
Tout d’abord, la France a perdu de son aura. Avec les difficultés économiques qu’elle connaît, elle compte moins dans le panorama diplomatique algérien. Sous la conduite des États-Unis, les accords d’Abraham et leur suite – la normalisation des relations entre le Maroc et Israël – poussent par ailleurs l’Algérie à se rapprocher de son allié historique, de son protecteur naturel: la Russie. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la détestation de la France par les militaires algériens qui dirigent le pays et par les islamistes.
Le fait que l’Algérie, malgré ses relations avec Moscou, soit restée aux portes des Brics (2) peut-il avoir un impact sur le comportement de l’Algérie?
Ne pas avoir été intégrée aux Brics, contrairement à l’Égypte ou l’Éthiopie constitue un véritable camouflet pour l’Algérie. La presse algérienne en a d’ailleurs très peu parlé. Mais dans l’immédiat, je ne pense pas que ça change la politique internationale de l’Algérie. Il faudra attendre l’élection présidentielle de décembre 2024, voir si Tebboune est toujours soutenu par le système politico-militaire. Et dans le contexte de la guerre en Ukraine, je ne serais pas étonné que la Russie, l’alliée historique, ait incité l’Algérie à affaiblir la France, et donc l’Otan, en instrumentalisant sa communauté présente sur le sol français.
Vous qui êtes favorable à plus de fermeté, pensez-vous qu’il faut remettre en cause l’accord franco-algérien de 1968 qui définit les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France?
Absolument. C’est même moi qui le premier, en mai dernier, ai lancé l’idée dans une note écrite pour la Fondation pour l’innovation politique. Cette idée a ensuite été reprise par Édouard Philippe, Éric Ciotti, Manuel Valls, Éric Zemmour ou encore Jordan Bardella.
1. La conférence aura lieu ce jeudi 28 septembre à 18h30, dans l’amphi 300 de la faculté de droit de Toulon. Inscription gratuite et obligatoire sur le site www.fmes-france.org
2. Le groupe initial constitué du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud a décidé au mois d’août dernier d’intégrer six nouveaux pays: l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Candidate, l’Algérie est restée à la porte.
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