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Quelle renaissance pour la mosquée de Tinmel après le chaos ? – Le Desk

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Proche de l’épicentre du séisme qui a frappé la province d’Al Haouz le 8 septembre dernier, la mosquée de Tinmel, symbole de la dynastie des Almohades, qui faisait l’objet d’un important programme de restauration, s’est effondrée. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le monument historique datant du 12ème siècle a été presque totalement détruit.

Les premières images de ce qui en subsiste partagées sur les réseaux sociaux au lendemain du sinistre ayant près de 3 000 morts dans la région, puis celles, satellitaires, dévoilées par Maxar Technologies avaient déjà choqué par l’ampleur des dégâts enregistrés. Il aura fallu cependant que la route nationale n°7 menant à la commune de Talat N’Yaakoub soit enfin dégagée par les pelleteuses pour que des spécialistes du patrimoine, architectes et archéologues viennent sur les lieux pour constater le désastre.

Ce samedi 16 septembre, Le Desk qui la veille avait assisté à Marrakech à une réunion convenue entre l’Ordre des architectes et l’association Turath qui regroupe des experts bénévoles engagés dans la préservation du patrimoine a rejoint leur équipée au pied de la mosquée dévastée.

Vus de la pente qui mène vers l’esplanade d’où elle surplombe un méandre de l’Oued N’fis, ses vestiges au premier regard gardent encore la magnificence de l’œuvre du calife Abdel-Moumen, qui en disciple du prédicateur Ibn Toumert a fait ériger cette mosquée-sanctuaire pour affermir son pouvoir de premier souverain almohade.

Mais très vite, les stigmates du tremblement de terre renseignent sur l’ampleur de la destruction. Son minaret rectangulaire, archétypique de l’architecture andalou-maghrébine de cette dynastie spirituelle, guerrière et austère a été décapité. Un amas de ferraille, débris tordus des échafaudages que les ouvriers-artisans devaient retirer au terme d’une restauration minutieuse gisent à sa base.

Ce soir-là, Mohcine, enrôlé par l’entreprise de restauration, montait la garde seul. « Le sol s’est coupé en deux, il a suffi de quelques secondes pour que tout s’écroule, le toit, les murs… j’entendais au loin les gens crier, j’ai couru pour chercher ma femme et mes enfants&#160», se remémore le vieil homme du village au visage buriné par le soleil. La gorge serrée et les larmes qui montent, il raconte que ce n’est qu’au petit matin que la lumière du jour laissera apparaître la mosquée entièrement défigurée.

De sa façade-Est mutilée par les secousses de magnitude 6,8, demeurent encore les trois portes monumentales aux arcs en plein ceintre outrepassés et légèrement brisés surmontés de visières de tuiles, mais c’est en contournant le bâtiment par le côté nord que l’effroi saisit le visiteur qu’un ruban de plastique blanc et rouge déroulé à la hâte interdit le passage.

Du haut d’un monticule, on réalise que le monument a été éventré et les neuf nefs supportant la vaste salle de prières, presque toutes abattues. Reste de la travée du fond, comme témoin symbolique de l’art religieux almohade, un arc à lobes tréflés supportant ce qui reste encore d’une coupole meublée de mouqarnas.

Enfin, on ne distingue presque plus rien du mihrab, pièce maîtresse du décor, adossé singulièrement au minaret découronné&#160: ses discrets décors floraux ont été gravement endommagés par la chute d’autres structures métalliques servant à la rénovation.

Réhabilitée une première fois en 1998 grâce au concours de la Fondation ONA, la mosquée de Tinmel faisait l’objet de nouveaux travaux de réfection et de valorisation initiés par le ministère de la Culture. Ceux-ci devaient être parachevé au cours des cinq prochains mois et prévoyaient la réouverture d’un petit musée adjacent qui n’a pas non plus tenu face au séisme.

Les architectes, topographes, archéologues et spécialistes du patrimoine sont donc venus en éclaireurs le site pour établir un bilan sur l’étendue des dégâts au niveau de la mosquée, mais aussi des habitations voisines, elles aussi pour la plupart mises à terre par le souffle du tremblement de terre.

« La mosquée est touchée à 90&#160%, car même si certains murs et une partie du minaret tiennent encore, ils présentent plusieurs fissures&#160», a pu constater l’archéologue Aboulkacem Chebri, président d’ICOMOS-Maroc, branche nationale du Conseil International des Monuments et des Sites, association mondiale de professionnels qui se consacre à la conservation et à la protection des monuments et des sites.

Selon lui, c’est « malheureusement tout un pan de l’histoire qui a disparu, pas totalement, mais à certains degrés&#160», faisant référence à l’almohadisme qui de son fief du Haut-Atlas a bâti un empire conquérant médiéval qui a étendu son pouvoir et imposé sa foi au Maghreb et aux confins de l’Ibérie.

La petite bourgade de Tinmel « s’affirme, dès le début de l’Empire almohade, comme une pièce maîtresse dans le dispositif de légitimation de la nouvelle dynastie&#160», et sa grande mosquée sera « l’un des premiers manifestes du nouvel art impérial almohade après la prise de Marrakech &#160», peut-on lire l’ouvrage Nouvelles recherches archéologiques sur la période islamique au Maroc&#160: Fès, Aghmat et Igîlîz.
De ce chaos, naît aussi un double espoir exprimé par les experts résolus de le voir renaître de ses gravats, celui de la reconstruction raisonnée, mais aussi de l’opportunité de relancer des recherches archéologiques qui n’auraient jamais été parachevées. Certaines voix plaident ainsi pour entamer de nouvelles fouilles sur le site. L’une d’elles l’historienne et vice-présidente de l’association Turath, Faten Safiedienne le suggère « avant de recommencer à construire sur des trésors qui sont enfouis et qui peuvent nous éclairer&#160».

Ce que n’exclut pas l’architecte Karim Rouissi, connu pour son engagement pour la préservation du patrimoine historique et architectural, qui n’imagine pas qu’autour du sanctuaire qui a vu la naissance du mouvement inspiré par le mahdi Ibn Tumert, « des vestiges pourraient être exhumés&#160», quand d’autres historiens parient même sur la découverte d’autres tombeaux, voire d’une nécropole.

Le sanctuaire avait fait l’objet de fouilles dans les années 1990 lors de sa première restauration, rappelle Chebri, mais mis à part la mosquée elle-même, « de nouvelles recherches pourraient être menées dans les douars et environs&#160», étant donné que « Tinmel était une sorte de quartier général pour les Almohades, mais les villages même les plus lointains pourraient encore receler des ruines&#160» de cette période.

Sans diminuer de l’urgence prioritaire qui est celle de reloger les sinistrés du séisme, car ne « il faut pas tomber dans la précipitation dans la rénovation de ce site&#160», Safieddienne n’exclut pas l’opportunité de fouilles archéologiques « qui n’ont jamais été faites encore, non seulement dans la mosquée, mais aussi dans  les alentours pour peut-être trouver des traces des tombes de d’Ibn Toumert et d’Abdel-Moumen, mais aussi de l’entièreté de la ville de Tinmel qui est encore ensevelie&#160», estime-elle.
La reconstruction de ce monument prendra du temps, affirment tous les spécialistes, dont Chebri&#160: « lorsqu’il s’agit de reconstruction du patrimoine, c’est un travail méticuleux, délicat et qui prend du temps &#160», mais avant cela, « il faudra d’abord mener une étude sérieuse sur l’état statique du sol et le consolider, ainsi que le fondation&#160», insiste l’archéologue.Par la suite viendront « les analyses, les études topographiques, et la reconstruction qui devra respecter plusieurs règles, notamment concernant le choix des matériaux&#160».

A l’origine, les appareils utilisés sont essentiellement la brique et un mortier fait de terre, de cailloux et de chaux. Le séisme a décapé l’enceinte faisant apparaître de larges faîtages de consolidation, jusqu’ici insoupçonnés. « Des techniques plus sophistiquées et plus modernes pourraient être envisagées pour les structures non apparentes comme un squelette qui pourrait prémunir le bâti du danger de nouvelles secousses&#160», extrapole un ingénieur du bâtiment.

Outre les plans déjà établis depuis des décennies qui permettent d’en restituer la morphologie de base, « la mosquée a heureusement été passée sous scanner 3D et des images aériennes sont également disponibles, ce qui permet d’avoir une bonne base pour entamer les travaux&#160», déclare, pour sa part, non sans optimisme Nadia Slimani, ingénieur géomètre topographe.

« Le Maroc dispose de toutes les ressources et moyens pour mener à bien cette mission, mais le ministère en charge de la Culture devra être ferme et limiter cet appel aux entreprises disposant d’une grande expertise reconnue dans la restauration de ce type de monuments&#160», prévient Aboulkacem Chebri.

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