L'accord de pêche UE-Maroc bloqué dans l'attente d'une décision … – EURACTIV France
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Par : Paula Andrés | EURACTIV.com | translated by Alexis Debroux et Anna Martino
18-07-2023
Le Sahara occidental est un territoire disputé entre le Maroc et le Front Polisario, suite à son annexion — illégale au regard du droit international — par le Maroc après le processus espagnol de décolonisation en 1975. [Elli Lorz via WSRW]Langues : English | Deutsch
Un accord de pêche de plusieurs millions d’euros entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc a expiré ce lundi (17 juillet) en raison d’un différend sur sa légalité et l’inclusion des représentants du Sahara occidental dans les négociations, dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’UE (CJUE).
En raison de cette expiration, les navires de l’UE se retrouveront sans licence pour pêcher dans la zone économique exclusive marocaine (ZEE), y compris les eaux du Sahara occidental.
L’accord avait été conclu en 1988 après l’adhésion de l’Espagne à l’UE. Un accord de renouvellement avait ensuite été négocié pour la période 2019-2023, de dernier prévoyant 208 millions d’euros en échange de 128 licences de pêche, soit environ 50 millions d’euros versés au Maroc chaque année.
Toutefois, un nouveau renouvellement dépendra d’un arrêt de la CJUE dans une affaire portée par le Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario), qui représente le mouvement indépendantiste du Sahara occidental, et qui a fait valoir que l’accord était illégal, car il n’incluait pas les habitants du territoire dans les négociations.
Le Sahara occidental est un territoire disputé entre le Maroc et le Front Polisario, suite à son annexion — illégale au regard du droit international — par le Maroc après le processus espagnol de décolonisation en 1975.
La CJUE a annulé à plusieurs reprises — plus récemment en 2018 et 2021 — l’application de l’accord de pêche au Sahara occidental, déclarant que le Maroc n’a pas de souveraineté sur le territoire et n’a pas obtenu le consentement de la population locale pour ratifier l’accord.
La dernière décision en faveur du Front Polisario, en 2021, a fait l’objet d’un appel par le Conseil de l’UE et la Commission, et une décision finale est attendue plus tard cette année — soit des mois après l’expiration de l’accord actuel.
Entre-temps, la réunion du comité mixte Maroc-UE sur la pêche a eu lieu jeudi dernier (13 juillet) et « a été l’occasion de rappeler l’importance de notre relation en matière de pêche », a déclaré un porte-parole de la Commission.
Toutefois, le porte-parole a également confirmé qu’« il n’y a actuellement aucune négociation en cours entre l’Union européenne et le Maroc dans le domaine de la pêche ».
« Pour l’avenir, à l’instar de nos partenaires marocains et en étroite consultation avec eux, l’UE réfléchira et évaluera un éventuel renouvellement du protocole de pêche », a déclaré le porte-parole, ajoutant que « toute décision sera prise conjointement avec nos partenaires marocains dans l’intérêt commun des deux parties ».
La Commission n’a pas fait référence et n’a mentionné le Sahara occidental dans aucune de ses réponses à EURACTIV.
L’accord de pêche entre l’UE et le Maroc est valide tant qu’il n’inclut pas le territoire de la région contestée du Sahara occidental.
Lundi, avant le début de la première réunion informelle des ministres de la Pêche de l’UE organisée par la présidence espagnole du Conseil, le ministre espagnol de la Pêche Luis Planas a annoncé des mesures de compensation pour les pêcheurs qui ont utilisé leurs licences dans le cadre de l’accord UE-Maroc pendant au moins 20 jours au cours des trois dernières années — une mesure qui couvre 11 navires.
L’aide totale s’élèvera à 302 000 euros et sera cofinancée par l’UE — dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche — et l’Espagne, a expliqué M. Planas.
L’Espagne est le pays qui détient le plus grand nombre de licences dans le cadre de l’accord, soit plus de 90, mais selon le ministre, seuls 21 navires espagnols — 11 d’Andalousie et 10 des îles Canaries — les utilisent.
M. Planas, qui est également ancien ambassadeur au Maroc, avait déclaré à EURACTIV au début du mois que l’accord était important sur le plan financier pour la pêche, mais qu’il s’agissait également de l’un des liens stables de l’association stratégique entre le Maroc et l’Union européenne.
Il a ajouté que « le Maroc considère qu’il est très difficile d’entrer dans la substance de la négociation avant la conclusion [de l’affaire de la CJEU] » et a maintenu que l’accord est « parfaitement légal ».
À propos de la réunion du comité mixte avec son homologue marocain, il a déclaré : « il a été décidé de poursuivre les études techniques afin qu’une fois l’arrêt de la Cour de justice rendu, la conclusion des travaux sur le nouveau protocole puisse être accélérée ».
En plus de mettre l’accent sur les nouvelles avancées technologiques dans le secteur agroalimentaire, l’Espagne se concentrera sur l’autonomie stratégique du secteur durant sa présidence du Conseil de l’UE, a confié le ministre espagnol de l’Agriculture à EURACTIV.
Selon les Nations Unies, le Sahara occidental est un territoire non autonome « dont le peuple n’a pas encore atteint un degré complet d’autonomie » depuis 1963 — lorsqu’il était sous l’autorité des colons espagnols.
L’ONU reconnaît donc le Front Polisario comme le représentant du peuple du Sahara occidental.
« La question centrale ici est l’autodétermination », a déclaré à EURACTIV Sara Eyckmans, coordinatrice internationale de Western Sahara Resource Watch (WSRW).
« Le peuple du Sahara occidental a un droit à l’autodétermination internationalement reconnu et soutenu », a-t-elle affirmé, ajoutant que « cela signifie qu’il a le droit de déterminer le statut politique du territoire et des ressources ».
Selon elle, l’intérêt du Maroc dans l’accord va au-delà de la pêche et des termes économiques — il s’agit de recueillir le soutien des acteurs internationaux pour sa revendication que le Sahara occidental fait partie du territoire marocain.
« Pour eux, il s’agit d’un outil diplomatique pour obtenir une reconnaissance implicite de leur revendication indéfendable sur le Sahara occidental », a-t-elle déclaré.
Mme Eyckmans a ajouté que, en prolongeant cet accord, « l’UE ne paie pas seulement le Maroc pour obtenir l’accès aux eaux du Sahara occidental », mais aussi « paie effectivement le Maroc pour construire des infrastructures de pêche au Sahara occidental à travers de nouveaux accords ».
De même, Andreas Schieder, eurodéputé socialiste présidant l’intergroupe du Parlement européen sur le Sahara occidental, a déclaré dans un communiqué que l’UE « a été complice de l’exploitation illégale des ressources naturelles et de l’enracinement de l’occupation illégale au Sahara occidental, et a sapé les efforts de l’ONU pour trouver une solution durable à ce conflit ancien ».
« À l’avenir, il ne doit plus y avoir d’accords sur les ressources de pêche du Sahara occidental qui ne soient pas conclus avec le Front Polisario en tant que représentant politique légitime de la population locale », a-t-il ajouté.
Le Sahara occidental possède l’un des littoraux les plus riches au monde, selon WSRW. Il représentait 73 % des captures côtières et artisanales annuelles du Maroc en 2020, plus de la moitié de la valeur totale nationale des captures, et possède les deux premiers ports en termes de volume de débarquement.
La justice européenne a infligé mercredi (29 septembre) un revers au Maroc et à l’Union européenne (UE) en annulant deux accords de partenariat commerciaux concernant le territoire disputé du Sahara occidental.
Face à cette impasse, le Front Polisario et les pêcheurs concernés des îles Canaries ont entamé des négociations la semaine dernière pour discuter de leur coopération en dehors du cadre de l’accord UE-Maroc.
Le Front Polisario a proposé de fournir des licences de pêche aux pêcheurs des îles Canaries affectés, une initiative qui a été bien accueillie par la Fédération des guildes de pêcheurs des îles Canaries, selon la presse locale.
« Nous sommes à votre disposition pour trouver un cadre juridique vous permettant de poursuivre votre activité. Vous êtes victimes d’un accord illégal entre le Maroc et l’UE », a déclaré Abdulah Arabi, représentant du Front Polisario en Espagne, au journal espagnol El Independiente.
C’est la première fois que les deux parties s’engagent dans des réunions bilatérales pour trouver des solutions sans passer par les autorités marocaines.
D’autre part, la confédération espagnole de pêche CEPESCA appelle les négociateurs de l’UE et du Maroc à « essayer de définir le plus rapidement possible les conditions techniques qui guideraient le renouvellement du protocole de pêche ».
Pour Javier Garat, secrétaire général de la CEPESCA, « la finalisation de l’accord de pêche avec le Maroc se traduit également par une nouvelle restriction de l’activité de pêche de notre flotte, soumise ces derniers mois à de nombreuses fermetures de zones de pêche ».
Interrogée par EURACTIV, l’ambassade marocaine n’a pas encore fourni de réponse au moment de la publication de cet article.
À la lumière des preuves de plus en plus nombreuses d’infractions commises par des navires chinois, les décideurs politiques et les acteurs du secteur appellent la Commission à appliquer les règles européennes en matière de pêche illégale et de violations des droits de l’homme à la Chine.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]
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